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Tour d’horizon des systèmes de droit en Terre de Fangh

dimanche 28 août 2011, par Cham von Schrapwitz

Comme l’auront remarqué les rares lecteurs dont l’assiduité parvient à briser la torpeur estivale, les mois les plus chauds sont propices à une prise de recul salutaire permettant à l’esprit de frôler les concepts les plus ambitieux, très au delà de la poussière vénielle des tâches quotidiennes.

Loin des « sorts de soin des boutons d’acné », loin des « conseils pratiques pour entretenir son armure en cuir de mérinos boiteux », des « conseils de beauté pour briller dans les orgies de Lafoune avec un gant de vaisselle et un tire-bouchon » et loin des « trucs et astuces pour crocheter un verrou nain dans une sombre catacombe humide » [1], penchons-nous aujourd’hui sur les systèmes juridiques de la Terre de Fangh.

Il faut dissiper ici très rapidement un point essentiel : non, la Terre de Fangh n’est pas une zone de non-Droit(s). Au contraire. Ce n’est pas parce que c’est le Chaos que des tentatives de résolution des conflits par des formes légales n’existent pas. Ajoutons même d’emblée que sur le plan juridique, c’est plutôt le trop-plein que le vide, et que la superposition hasardeuse des différents Droits ajoute à l’anarchie ambiante.

Pourquoi causer du Droit ? La Baston ce n’est pas plus simple ?

À cette première remarque générale, adjoignions rapidement une justification essentielle à ce précieux article : si d’aucuns aventuriers de bas étage (guère plus haut que l’entresol) peuvent penser que la connaissance du Droit n’est d’aucune utilité et qu’ils peuvent régler tous leurs problèmes à coup d’épée/hache/javelot/massue [2], ils se fourrent la boule de feu dans l’œil jusqu’à la merguez.

La plupart des conflits qui opposent les aventuriers débutants aux forces « légales » se soldent par une couteuse et sanglante défaite si la solution « baston » est préférée à la solution « juridique ». La victoire immédiate et aisée contre le premier juriste en robe n’est qu’illusion : rapidement les forces de l’ordre sont renforcées de sicaires, enchanteurs, écorcheurs et autres sergents de ville munis de masses PAF [3], qui feront sur iceux aventuriers un exemple d’une justice aussi expéditive que contondante.
Bref : vous l’aurez sans doute compris si vos capacités intellectuelles dépassent celles du bigorneau paraplégique [4], la connaissance du Droit dans la Terre de Fangh est aussi indispensable que celle des arts du combat ou de la magie la plus puissante. Ne serait-ce que pour savoir où et comment tenter un efficace jet de corruption sur un magistrat trop tatillon [5].

Introduction générale à l’organisation des systèmes de Droit : le sol, le sang et les dieux

Il existe trois grandes conceptions du Droit : le Droit du sol, le Droit du sang et le Droit ecclésiastique. Ces trois conceptions sont difficilement compatibles, et leurs partisans d’affrontent depuis l’aube des temps, tantôt à coups de missives compliquées dans des alcôves feutrées, tantôt à coups d’épée « de justice » dans des champs de batailles crasseux.

Le Droit « du sang » est aussi appelé « « Droit des peuples » ou « Droit des races ». Il s’agit de considérer qu’un individu est justiciable en fonction de sa race, et que la loi doit être différente selon que l’on a affaire à un Elfe, un Nain, un Barbare, un Hobbit ou que sais-je.
Cette approche, très chère aux Nains et aux Barbares, pose des difficultés pratiques. Il impose que, dans une communauté multi ethnique (comme c’est le cas dans les grandes cités) coexistent plusieurs systèmes juridiques. Les cas de conflits entre individus de races différentes posent d’inextricables problèmes. Il est généralement impossible de mettre d’accord les différents protagonistes sur le système juridique à utiliser. En outre, le cas des sangs-mêlés pose toujours question : faut-il leur appliquer une peine moyenne, la peine la plus forte, la plus faible ? Il n’en reste pas moins que le droit « racial » a de beaux jours devant lui, dans les communautés assez homogènes sur le plan ethnique.

« Lorsqu’un guerrier des clans est coupable de lâcheté devant l’ennemi, il lui sera rasé la première fois la moitié de la barbe. Item, lorsque cela se reproduit, la totalité de la barbe lui sera rasée, au moyen d’une lame ébréchée et non affutée. Item, à la troisième récidive la totalité des poils du corps lui sera ôtée, son or confisqué en totalité et il sera condamné à manger trente-huit salades vertes et sans sauce... »
(Extrait des Coutumes Naines des Mines Occidentales, compilé par Ehaullas le Grand, Jurisconsulte de Waldorg : on comprend que de telles sanctions soient difficilement applicables aux Elfes par exemple)

Le Droit « du sol » qui s’y oppose considère que les habitants d’un même territoire sont justiciables du même droit et soumis aux mêmes lois. Sans surprise, ce sont les grands empires humains qui en ont fait la promotion. Constatant avec pragmatisme qu’il était impossible de s’y retrouver dans ce fatras de coutumes raciales et de gérer une cité convenablement, les Menzzoriens entreprirent de codifier les premiers recueils de coutumes écrites, et les déclarèrent applicables à tous leurs « sujets », quelle que fut leur race ou leur religion.

Le processus fut long, douloureux et approximatif comme une séance de dentisterie chez les Barbares, mais il vit l’apparition des premiers tribunaux, des premiers juges et avocats, des premiers scandales judiciaires, et des premiers acquittements par subornation de témoins et arguments procéduriers. L’Humanité avait fait un grand pas en avant alors que, comme d’habitude, elle était au bord du gouffre.

Depuis lors, les civilisations des Hommes (ou prétendues telles) ont tendance à codifier leur droit par écrit, à la notable exception des peuples barbares. Le principal problème concret réside dans les formulations alambiquées des scribes, qui essayent d’adapter leurs écrits à toutes les situations et toutes les races, tout en étant lamentablement payés à la ligne. [6]

« de même, reprenant les points 704 et 312 de l’article précédent, lorsqu’un individu se rend coupable d’un vol par subtilisation monétaire envers la propriété fiscale fiduciaire du trésor royal de nos bien aimés dirigeants (que l’hydromel et les femmes lascives peuplent leurs rêves dorés), il lui sera infligé, après sentence délibérée et enregistrement écrit des attendus, un nombre de coups de fouet à lanières cloutées proportionnel à la valeur de l’offense infligée à icelui et précédemment cité trésor. Ladite sentence dépendra également de sa capacité d’endurance physique à iceux coups de fouet, déterminée par le Magistrat Propréteur de la Troisième Chambre de Coercition en fonction des Tables Raciales d’Endurance aux Châtiments... »
(Code Menzzorien de punition des infractions fiscales, tome 17, chapitre 72, article 95, aliéna a-38, page 808).

Enfin, le droit « ecclésiastique » est une invention concomitante de la prolifération religieuse de l’Age sans Dieux. Les multiples clergés profitèrent de la mollesse des dirigeants temporels et de leur crainte envers ces myriades de divinités fourbes et incontrôlables pour accorder aux clergés naissants des régimes dérogatoires qui, globalement, aboutirent tous au même résultat : créer une loi, écrite ou orale, qui ne s’applique qu’aux clergés d’une certaine religion. Les prêtres ont ainsi le droit d’être jugé et de faire juger leurs différents non pas selon le droit de leur race ou de leur sol, mais de leur église. Les peines encourues sont la plupart du temps très lourdes pour les offenses commises envers les porteurs de robes et de symboles divins, et plutôt légères pour les offenses commises par eux.

« Lorsqu’un impudent se rendra coupable d’insulte, crachat ou violence verbale envers un membre de notre bien aimé clergé, il sera passible d’une amende minimale de 4500 pièces d’or, à verser en intégralité au temple tutélaire du membre concerné. L’offense pourra être rapportée par le clerc sous serment, en l’absence de témoin. Lorsqu’un membre de notre glorieux et honnête clergé sera accusé d’insulte similaire par un laïc, ce dernier devra produire dix-sept témoins, dont au moins seize devront être des clercs, marchands, nobles, sorciers en exercice ou chevaliers armés qui devront tous témoigner sous serment écrit et déposer en caution pendant le procès 700 pièces d’or avant que le temple de rattachement du membre concerné ne délibère, sous délais de trois ans. La punition du clerc reconnu éventuellement coupable ne saurait excéder huit heures de jeûne, une gifle molle et trois pièces de cuivre de dédommagement à prélever sur le montant des aumônes de l’année suivante ».
(Extrait du Code de Caddyro, « offenses commises à l’encontre du clergé et par lui »)

Bien entendu, les conflits qui opposent des membres de clergés différents donnent lieux à d’interminables débats devant des cours d’arbitrage plus ou moins improvisées, et finissent usuellement en carnages pseudo-religieux avec anathèmes, malédictions, bosses, plaies et déclarations mutuelles d’hérésie, de paganisme et de fornication rectale avec des animaux de race porcine en milieu boueux.
Notons au passage l’originalité du clergé d’Adathie, qui prétend être le « clergé du droit » de la Terre de Fangh. De fait, de nombreuses peuplades ont accepté de leur « confier la charge de dire le droit », créant ainsi une sorte de corps sacré de magistrats professionnels. Cela dit, cette solution est loin de faire l’unanimité.

Écrire ou se souvenir ?

Un des grands points de débat, depuis l’aube des lois et avant même l’invention de la manche, indispensable aux effets éponymes dans les prétoires [7] est celui du caractère du Droit : doit-il être écrit ou oral ?
Schématiquement, le Droit écrit présente l’avantage de la fiabilité (pour peu qu’un Ogre n’utilise pas votre Code comme papier-toilette) et de la prédictibilité : à même affaire, même loi, et il est possible de former des juristes dans des écoles, de connaître avec précision la liste des infractions et les peines associées. Comme nous l’avons dit, ce sont les Menzzoriens qui codifièrent les premiers le Droit écrit dans la Terre de Fangh, et de nombreuses peuplades leurs emboitèrent le pas, considérant que ce n’était pas une idée totalement stupide. Cela provoqua un accroissement exponentiel de la taille des bibliothèques, une envolée de la demande pour des copistes, des sorts de copie et des vérificateurs de copies, et un scandaleux enchérissement des encres et plumes d’oie.

Cela dit, le droit coutumier, ou coutume, ou encore « les lois dont se souvient l’ancien qui branle du bocal » a encore de nombreux partisans. L’usage de la perpétuation des coutumes ancestrales par transmission de bouche sénile à oreille sénescente est un processus perpétuel et immémorial, qui offre des garanties de souplesse et d’adaptabilité. Lorsque survient un cas de droit inédit, l’ancien qui dit le droit peut toujours se « souvenir » avec opportunisme d’une ancienne coutume qu’il invente en fait sur l’instant. C’est très pratique entre gens de bonne compagnie. Malheureusement, on a rarement besoin de lois entre gens de bonnes compagnies.

On touche là à un des principaux problèmes du droit écrit : la quantité de lois augmente sans cesse, et personne ne prend jamais le soin d’abroger les anciennes lois, périmées, stupides, obsolètes ou grotesques car issues de l’esprit dérangé d’un dirigeant alcoolique. Combiné aux pertes de documents liées aux guerres, aux incendies accidentels et à l’incurie des archivistes, cela amène régulièrement à de longues et ardues batailles de juristes qui pinaillent pendant des jours durant, en brandissant d’obscurs grimoires chargés de vieilles sentences ayant toujours force de loi.

« ...il sera interdit à un Hobbit portant des pantalons jaunes et coiffé d’un chapeau de se promener sur le côté ombragé des rues adjacentes au palais royal, sous peine de mort par empalement. La garde du palais a délégation de justice pour application immédiate de la sentence au moyen de pals de fer ».(Extrait du Code des Décrets Urbains de Menzzorius VI, tome 94, verset 56, escalier B, troisième porte à droite, sonnez et entrez).

« Si ! Je me souviens bien : il est de coutume de condamner les voyageurs étrangers au détroussement et à l’esclavage lorsqu’ils débarquent dans le village un jeudi ensoleillé sur un cheval marron ».(Exemple de Sentence Coutumière rendue par Ourdo le Sage, Tribunal Barbare, en appel du pillage intégral subit par Lucius Pleinozas, Marchand).

Notons enfin que les Nains mettent en œuvre un système qui combine l’écrit et l’oral. Les coutumes des Nains sont l’apanage des anciens des clans, qui se souviennent de chaque détail des usages juridiques des grandes familles des mineurs. Ils complètent ce savoir empirique et de transmission orale par des Commandements de Bronze, gravés dans des tablettes du même métal, et qui servent à poser des grands principes constitutifs du Droit des Nains. Par exemple « On creuse le jour, on boit la nuit », ou « Les Gobelins sont nos pires ennemis jurés. Les Orques sont aussi nos pires ennemis jurés. Les Elfes sont... » et ainsi de suite. Enfin, les Nains notent scrupuleusement toutes les offenses qui leurs sont faites dans de lourds livres des rancunes.

Crimes et Châtiments : Punir, payer, humilier ?

Le Droit est indissociable de la punition. Il existe une myriade de conceptions sur ce que doit être un châtiment. On ne compte plus les imbéciles qui offensent à dessein le clergé de la Lafoune dans l’espoir de « subir leur punitions » dans le cadre d’une procédure de poursuites par obligations Synallagmatiques Manuelles.

La plupart des systèmes juridiques Barbares reposent encore sur la notion d’amende ou « Wergeld ». Tout à un prix. Tuer un homme libre coutre 500 pièces d’or, tuer un esclave 3 pièces d’or, tuer une vache 20 pièces d’or, violer un porc 5 pièces d’or, etc... Le Wergeld est une amende infligée au clan coupable par le clan victime, au terme d’un jugement par les anciens en fonction de la coutume. Il est remarquable de constater l’apparence de non-violence de cette solution. L’apparence seulement, car si cette justice « collective » est avant tout financière, le clan qui doit payer le Wergeld se retourne généralement contre l’impétrant coupable pour lui expliquer au moyen de mandales et de lames bien affutées que non, il ne le refera plus jamais...

La grande majorité des systèmes juridiques Humains dits « civilisés » reposent sur la double peine : l’amende et la punition corporelle. Il faut noter à ce propos l’extrême inventivité des Humains quant aux châtiments corporels. Ils vont de la peine de pilori avec entartage au supplice de la « triple trépaneuse vibrante à décraboteurs articulaires », en passant par l’ablation de diverses parties corporelles, la flagellation au moyen d’instruments improbables ou encore l’insertion d’objets de taille et de forme variables dans des orifices corporels naturels ou créés pour l’occasion [8].

Contrairement à une conception couramment colportée par les aventuriers ignares, la prison n’est pratiquement jamais la punition applicable en sentence d’un crime ou d’un délit. L’emprisonnement n’est généralement qu’une mesure transitoire, pour garantir la présence de l’accusé à son supplice (pardon, du condamné à son procès) et qui se déroule souvent aux frais du prisonnier.

Enfin, il faut noter le caractère quasi exclusivement « intellectuel » des punitions elfiques. Etant dotés d’une longue vie et d’une santé robuste, N’aimant pas se salir les mains ni humilier les gens et refusant toute sentence qui puisse apparaître vénale, ils condamnent généralement à des travaux de l’esprit du genre « « écrire un poème de 700 strophes », « rédiger une saga de 3000 pages », « composer une partition pour orchestre sylvestro-symphonique en cinquante mouvements » ou encore « réaliser l’inventaire herbacé exhaustif des cultivars, taxons et espèces présentes dans une prairie de 900 hectares »...

Vade Me Cum pour aventuriers

En guise de conclusion pratique pour les aventuriers des niveaux inférieurs (entre le troisième sous-sol et le 36e dessous), en quelques mots, comment survivre dans la jungle juridique de la Terre de Fangh ?
C’est très simple, il suffit d’appliquer quelques conseils de bon sens :

- Pas vu pas pris, pris pendu : quelle que soit votre méfait, ne laissez aucun témoin.
- Portez un masque, par pitié. Combien d’aventuriers font n’importe quoi à visage découvert !
- Les lois sont compliquées, mais aucune peuplade n’aime que l’on perpètre à son encontre le meurtre, le vol, le viol, le pillage, l’incendie, l’insulte ou la destruction de biens, et ce quel que soit la conviction du bien fondé que vous avez de votre action. C’est une bonne base juridique pour savoir « où vous en êtes » par rapport au droit local.
- Les gens soutiennent ceux qu’ils connaissent, pas les aventuriers étrangers.
- Si vous êtes sur le point d’être arrêté, ne combattez pas les forces de l’ordre. Fuyez. Souvent un crime s’oublie vite dans l’anarchie ambiante. En revanche, les forces de l’ordre n’oublient pas les morts causés dans leurs rangs. Le pandore est rancunier, l’argousin vengeur.
- N’allez pas jusqu’au procès : les aventuriers débutants sont toujours condamnés, ne serait-ce que par délit de faciès. Tentez l’évasion.
- Ne cherchez pas à apitoyer vos juges ou l’auditoire : les gens adorent les exécutions publics, surtout des pleurnichards.
- Ne croyez pas dans votre avocat : c’est un incompétent qui ne cherche que votre or.
- Pratiquez la défense technique en soulevant d’obscurs points de droit et en réclamant un arbitrage. Cela vous laisse le temps de corrompre vos geôliers et de trouver une porte de sortie.
- Voyagez avec un prêtre, peu importe son clergé : il vous permettra sans doute de soulever une « exception de droit ecclésiastique » (sauf si vous avez commis un méfait contre son clergé, auquel cas... Vous êtes vraiment trop stupide pour moi).
- Dans tous les cas, souvenez-vous qu’il vaut mieux payer 30 pièces d’or à un soldat ivrogne pour le corrompre que 300 pièces d’or et un bras après un procès perdu par orgueil et crétinerie. Vous pouvez aussi tenter d’expliquer au soldat en question que « ce ne sont pas ces droïdes là qu’il recherche », mais il faut avoir certaines affinités avec la Force.

Cham von Schrapwitz, avec un bon avocat et sa vinaigrette.


[1de laquelle vous ne ressortirez pas vivant de toute façon

[2rayez les mentions inutiles

[3Police des Aventuriers de Fangh ?

[43,8% de mes étudiants

[5inutile, par exemple, d’offrir des feuilles de salade verte à un Juge des Rancunes Nain ou du boudin d’ours à un Magistrat Epithète Elfe

[6Ce qui n’est pas mon cas quoi qu’en pensent les méchantes langues.

[7non, un « éponyme » n’est pas un croisement entre une éponge et un mime

[8bon appétit si vous êtes à table