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GemmePalantir de Saïlentil

Ainsi que l’histoire de Saïlentil et Suelenewing

lundi 1er mai 2006, par Nak’hua Thorp

Saïlentil était prince de la cité cachée de Gondolavenis, au coeur des collines d’Altrouille. Son histoire n’aurait jamais été ce qu’elle fut sans la guerre qui décima les siens et le força à quitter par les égouts les ruines fumantes de la ville sur laquelle il avait cru qu’il règnerait un jour. Car curieusement, s’il avait paisiblement vécu et gouverné Gondolavenis, son nom ne serait sans doute jamais entré dans les mémoires. Mais la ville fut détruite, comme Cham Von Schrapwitz vous le contera un de ces jours, et Saïlentil cassa son palantir. Un geste qui change toute l’Histoire.

L’attaque de Gondolavenis avait été soudaine. Les elfes, qui se croyaient à l’abri dans leur vallée encaissée, n’avaient rien vu venir. Les parents de Saïlentil n’eurent que le temps de remplir un petit sac et d’exhorter leur fils à prendre lui aussi quelques affaires, avant de passer par la trappe d’entretien des latrines pour fuir par les égouts. Entre autres objets qui lui semblaient précieux, le jeune prince emporta un palantir. N’étant jamais sorti de Gondolavenis, il ignorait qu’il pouvait facilement s’en procurer un dans n’importe quelle ville.

Quelques kilomètres plus loin, les héritiers de ce qui n’était plus qu’un champ de ruines émergèrent au bord de la rivière, leurs atours de soie irrémédiablement crottés. Et entamèrent une longue et difficile marche vers Glargh, où ils espéraient bien refaire leur vie.
En chemin, ils furent attaqués par des goules égarées. Par réflexe, Saïlentil fracassa son palantir sur la tête de la plus menaçante, tandis que son père tirait l’épée pour découper les autres en tranches [1]. Si la goule fut mise hors d’état de nuire, le palantir le fut également. Il manquait un gros éclat à la boule de cristal, désormais inutilisable. Saïlentil refusa de jeter l’objet, prétextant que c’était le seul souvenir qu’il avait de son grand-père. Et l’affaire en resta là.

Quelques nuits plus tard, cependant, réveillé par une sorte de bourdonnement sourd, Saïlentil s’aperçut que le bruit émanait du palantir cassé. Il se leva, prit l’épée de son père, et tomba pratiquement nez à nez avec une liche (ou plus probablement une lichette), qu’il tailla en pièces dans les règles de l’art [2]. Le bourdonnement s’éteignit aussitôt. Le palantir, quoique inutilisable pour sa fonction première de communication, était devenu capable de détecter les morts-vivants. Ce qui fut d’une grande utilité tout au long du voyage, mais plus vraiment une fois la famille installée à Glargh.

Pendant ce temps, une autre famille était chassée de ses pénates par la guerre. Chanël, modeste seigneur sans argent et accessoirement fils unique de Bernard et Lucienne, fut attaqué en pleine nuit par des commandos de Gzor. Non parce que son domaine représentait un grand intérêt aux yeux du démon, mais parce que sur le chemin du retour de Gondolavenis, les armées avaient encore besoin de se défouler. Chanël défendit héroïquement ses terres, couvrant la fuite de sa fille Suelenewing. Celle-ci, après un périple de plusieurs décades à cheval, se retrouva finalement toute seule à Alaykjdu, sans autre moyen de subsistance que ses bras [3]. La jeune fille se mit à faire des ménages dans la journée, et bientôt à finir ses soirées à la taverne. Le plus souvent bien beurrée.

Or donc, il advint que Saïlentil, adolescent sûr de lui et las de supporter les jérémiades de ses parents [4], décida d’aller voir ailleurs si l’eau n’était pas plus claire. Il vendit quelques bijoux rescapés de Gondolavenis pour se faire un peu d’argent de poche, et sans plus de cérémonie, se joignit à une caravane de marchands (laquelle transportait essentiellement de la bière, mais c’est sans rapport avec ce qui suit) qui se rendait à Alaykjdu. Fasciné par les bateaux et plutôt doué de ses dix doigts, il se fit embaucher au chantier naval.
Les traditions et les vieilles chartes étant ce qu’elles sont, il rencontra dès son premier dîner à la taverne une jeune fille d’à peu près son âge, très jolie [5] et visiblement portée sur la dive bouteille. Il se fit un plaisir de l’aider à rentrer chez elle à la fin de la soirée, et resta dormir sur place, pour la peine. C’était moins cher et plus agréable que de louer une soupente dans un boui-boui.

Quelques mois plus tard, Saïlentil et Suelenewing furent unis par un druide bakhoule de passage à Alaykjdu.

Après avoir construit leur maison, Saïlentil décida de s’attaquer à plus grand : un bateau capable de naviguer jusqu’à la terre d’origine des Meuldors, leurs ancêtres à tous les deux. Il passa donc une bonne partie des années qui suivirent à planter des clous dans la rade d’Alaykjdu, laissant Suelenewing se dépatouiller avec la maison, puis avec leurs deux fils, Hellrose et Patapon. La jeune femme s’était bien rendu compte que parfois, on ressentait un léger vertige dans la pièce où se trouvait exposé le palantir cassé, mais elle n’y accorda jamais beaucoup d’importance. Le jour où la pièce se couvrit de taches noires sous ses yeux, elle prit peur, mais Saïlentil mit le tout sur le compte des trois bouteilles vides d’Elixir Cerise de l’Abbé Kass qui traînaient sur la table de la cuisine.

Un beau matin, le couple fut réveillé par le bourdonnement du palantir. La tête encore embrumée, ils firent le tour de la maison, et tombèrent sur deux rats zombis occupés à piller leur cloche à fromage. Saïlentil les massacra à coups de tuyau en fer [6], et de son côté, Suelenewing se dit que ce palantir avait peut-être de bonnes raisons d’être si cher au cœur de son époux. Elle ne lui en fit pas moins nettoyer tout seul le bordel qu’il avait mis dans la cuisine.

Un jour où Saïlentil était sorti essayer le bateau en pleine mer, une compagnie de chasseurs de démons se présenta à la maison. Son chef, un dénommé "colonel Macross" (un elfe dont la main gauche était une prothèse en ivoire, et qui se prétendait cousin de Saïlentil), réclama le palantir cassé, dont l’étrange pouvoir serait utile à la compagnie dans sa mission de protection du contribuable moyen. Suelenewing le laissa gentiment débiter son discours préfabriqué, en gros "heureusement que nous suons sang et eau pour que vous puissiez dormir avec votre petit mari dans votre nuisette en dentelle blanche, ou préférez-vous le satin noir ?". Après quoi elle le flanqua dehors à coups de balai [7], en lui conseillant de ne pas insister.
Il insista quand même.

Profitant d’une absence de Saïlentil, qui pour rappel, avait un emploi et devait bien sacrifier à Oboulos de temps en temps, il revint en armes avec toute sa compagnie. Constatant que l’éclat de l’acier rutilant n’impressionnait guère Suelenewing, il se résolut à lui prendre le palantir de Saïlentil par la force. La jeune femme n’eut que le temps de saisir l’objet et de sauter par la fenêtre. Elle courut jusqu’au chantier naval, aidée dans sa fuite par le fait que même des chasseurs de démons entraînés ont toujours un peu de mal à cavaler avec trente kilos d’acier sur le dos (cinquante pour la belle armure de Macross). Là, elle retrouva Saïlentil, lui expliqua la situation, et tous deux embarquèrent à bord de leur navire un peu plus tôt que prévu.

A ce point, l’Histoire perd leur trace. On suppose qu’ils se rendirent compte un peu tard qu’ils avaient oublié les enfants.
La Légende prend le relais. On raconte que contrairement à tous les explorateurs mandatés, Saïlentil et Suelenewing trouvèrent la terre natale de leurs ancêtres, lesquels les trouvèrent vite sympas mais un peu lourds. Ils transformèrent donc leur bateau en aéronef de haute altitude, et depuis, le couple sillonne le ciel sans relâche, ne redescendant qu’une fois de temps en temps pour faire le plein et une petite révision. On dit aussi que si, par une nuit très calme, vous entendez comme un bourdonnement, c’est le palantir de Saïlentil qui passe au-dessus de votre tête. Vérifiez qu’il n’y a pas de morts-vivants dans les parages [8].

Vue d’artiste de Saïlentil et Suelenewing parcourant les cieux

Pour en revenir aux faits documentés, Macross était effectivement un cousin un peu éloigné de Saïlentil. C’est pourquoi, trouvant Hellrose et Patapon cachés dans une armoire, il ne les confia pas à l’orphelinat du Temple des Nombreux Dieux, mais à un membre de la famille. En l’occurrence, son jeune frère Magloire, qui fut absolument ravi d’avoir deux enfants pour égayer la grande maison triste où il vivait seul. Elevés comme des rois, les garçons décidèrent d’être des rois pour de vrai, chacun à sa manière. Hellrose l’impulsif découvrit une île où il fonda sa propre nation ; Patapon le réfléchi joua le rôle que l’on sait dans la Guerre du Piano Unique.

Encore un coup du destin. Si Macross n’avait pas cherché à voler le palantir de leur père, ils auraient sans doute été de modestes artisans d’Alaykjdu. Le seul point positif de cette hypothèse, c’est que Magloire n’aurait pas eu l’occasion de leur transmettre ses goûts vestimentaires désastreux. Mais pour citer Porsank’wen, le premier d’entre nous, qui fut un grand philosophe : "On ne peut pas tout avoir."

Nak’hua Thorp


[1C’était une Durandil.

[2Ai-je dit que c’était une Durandil ?

[3Bon, d’accord, presque sans autre moyen de subsistance.

[4Allez être gai et enjoué quand vous étiez héritier d’un royaume elfique et que par un caprice de ce coquin de sort, vous vous retrouvez épicier à Glargh.

[5C’était la petite-fille de Miss Meuldor, quand même.

[6Pourquoi un tuyau en fer traînait-il dans la cuisine ? Mystère.

[7Moins efficace que le tuyau en fer, mais parfaitement suffisant pour la circonstance.

[8A moins que vous ne soyez vous-même un mort-vivant, ce qui vous dispense de cette formalité.