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GemmeAnneau des Nibelnimosh

Maléfique et légendaire.

jeudi 17 mars 2005, par Nak’hua Thorp

L’estuaire du Tourderhin est le berceau de nombreuses légendes, qui nous ont été léguées par le peuple disparu des Nibelnimosh. Ce peuple de nains venu des territoires du sud vécut longtemps sur les rives du Tourderhin, jusqu’au jour où un anneau maudit attira sur eux l’attention des elfes du coin. Pour aller vite, on peut dire que l’affrontement qui s’ensuivit mena les deux clans à leur perte. Sauf qu’en fait, c’est beaucoup plus compliqué que ça.

On ne sait pas quand les Nibelnimosh migrèrent de leur pays d’origine vers la terre de Fangh. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’à l’époque de la formation de l’empire moriac, ils étaient déjà là. Contrairement à la plupart des nains, ils vivaient au bord du fleuve, dans des villages semblables à ceux des hommes. L’estuaire du Tourderhin était leur domaine, et ils semblaient s’y plaire, puisque jamais ils ne tentèrent de s’établir plus au nord. Ou peut-être restèrent-ils là parce qu’ils savaient que les Moriacs étaient de redoutables guerriers.

Toujours est-il que leur petit peuple vécut plusieurs siècles de paix prospère au bord du Tourderhin. Mais le mal attendait son heure, tapi au fond de l’estuaire, sous la forme d’un sac d’or caché dans l’épave d’une galère. Cet or, jadis commandé à un grand mage par quelque tyran oublié, devait servir à forger un anneau de pouvoir. Cependant, les elfes du coin, que le concept horripilait sans qu’ils ne sachent bien pourquoi [1], avaient coulé le bateau et chargé trois nymphes du fleuve, Jaderhin, Ladyrhin et Lilirhin, d’empêcher quiconque de récupérer la cargaison qu’ils ne pouvaient pas détruire.

L’or du Tourderhin

A l’apogée du règne des Nibelnimosh, l’or du Tourderhin n’était plus qu’une légende. Les filles du Tourderhin avaient donc commencé à prendre quelques libertés avec leur mission, et n’hésitaient plus à aller donner des concerts à la surface du fleuve. C’est ainsi qu’elles furent aperçues par deux frères nains. L’aîné, Taylorisrich, comprit tout de suite qui elles étaient. En dépit des protestations de son jeune frère Mimolett, il les suivit, repéra l’endroit où elles regagnaient les profondeurs, et attendit patiemment leur départ en tournée pour voler le trésor. Quand les filles du Tourderhin s’aperçurent de la disparition de l’or, Taylorisrich était déjà parti se faire forger un anneau avec. Avec son pouvoir et le prestige apporté par le tas d’or qui lui restait, il devint roi des Nibelnimosh et entama une belle carrière de tyran.

Jaderhin, Ladyrhin et Lilirhin remontèrent donc piteusement le fleuve pour annoncer au fiina, le chef de la tribu elfe du lac Aspousser, qu’elles s’étaient fait voler l’or du Tourderhin. Total, le nouveau chef, tapa du poing et décida d’aller lui-même récupérer le trésor. Cette histoire tombait bien, car il avait justement besoin de payer l’entrepreneur qui achevait la construction de son nouveau palais, et n’avait aucune envie de puiser dans ses réserves personnelles pour cela. Malgré sa grande fortune, Total le fiina elfe n’était pas très chaud dès lors qu’il s’agissait de payer. Quant à l’anneau, que son prédécesseur aurait fait détruire sans hésiter, il comptait le garder pour lui.

Le fiina se déplaça donc jusqu’à la demeure de Taylorisrich, où il tomba sur un Mimolett en pleurs. Celui-ci expliqua que son frère l’avait obligé à forger un heaume avec l’or magique du Tourderhin, si bien qu’à présent, outre l’anneau de pouvoir, il disposait d’un artefact qui lui permettait de prendre n’importe quelle apparence. Total commença à se dire que ça sentait le roussi, mais entra quand même dans les appartements de Taylorisrich, qui testait son nouveau heaume. Voyant le nain prendre sans effort l’apparence d’un dragon, l’elfe se dit que ce casque-là serait rudement décoratif sur sa tête. Il tenta de jouer au plus fin.

"Félicitations, ornement de jardin, mais tu ne pourras jamais te transformer en créature plus petite que ta taille initiale !"

Taylorisrich, dont la finesse n’avait jamais été une qualité majeure, entreprit de lui prouver le contraire. Il se transforma en crapaud. En un battement de cils, l’anneau était tombé de sa petite patte, et Total l’avait saucissonné dans une corde elfique. Désormais en position de force, le fiina n’eut aucun mal à obtenir le heaume, l’anneau et le reste de l’or du Tourderhin, en échange de la liberté de Taylorisrich. Il rentra chez lui triomphant, au moment même où l’entrepreneur se présentait avec la facture.

"Voici votre or, mon brave. Gardez la monnaie."
"Y’a pas assez."
"Pardon ?"
"Oui, les poutres de votre bazar, c’est du nimloth, vous ne croyez quand même pas que je vais vous facturer ça au prix du chêne, non ?"
"Et il vous faut combien en plus ?"
"L’anneau et le heaume que vous avez dans l’autre main."

L’entrepreneur repartit donc avec l’intégralité du trésor du Tourderhin. Essayant le heaume, il se transforma en dragon, et il vit que cela était bon, et vachement destroy. Gardant sa forme de dragon, il s’installa dans les collines, où il pouvait terroriser la population quand l’envie lui en prenait. Et les années passèrent. Total bouffa son chapeau, le peuple des Nibelnimosh déclina de façon inquiétante, jusqu’au jour où quelque chose de nouveau se produisit.

La Dame qui Rit

Bien des années auparavant, Total avait fait forger une épée +8 à tous les jets (dite "Zyvatareum" en jargon d’enchanteur) qu’il était allé carrer bien profondément dans un arbre [2]. En langage narratif, on appelle ça un appeau à héros [3]. Si on lui avait demandé pourquoi il l’avait fait, il aurait répondu qu’il n’en savait rien. Or donc, il advint que les Drôles de Dames qui Rient, la troupe d’élite de Total, un corps constitué exclusivement de femmes biclassées guerrières/clercs de Walkirime, avertirent le fiina que quelqu’un avait tiré l’épée de l’arbre.

Il s’appelait Sixgnomes, c’était un demi-elfe, beau et fort, tout pour être un vrai héros à l’ancienne comme les elfes les aiment tant. Cependant, son premier fait d’armes consista à utiliser sa grosse épée pour impressionner une jeune dame et l’enlever. Total était furieux. Quand il s’avéra que le jeune homme était en plus son fils illégitime [4], sa femme lui passa un tel savon qu’il se décida à ordonner à ses Drôles de Dames d’exécuter les amants. Mais Carlabrünilde, chef des Dames qui Rient et elle aussi fille illégitime de Total [5], décida de s’opposer à son père en assurant la protection de Sixgnomes et Sixdindes, qu’elle avait pris en amitié. Le fiina en fut quitte pour aller lui-même supprimer Sixgnomes, brisant l’épée magique par la même occasion. Carlabrünilde parvint de justesse à s’enfuir avec Sixdindes, qu’elle cacha dans une maison, avant d’aller présenter sa démission à son père.

Total refusa de pardonner à sa fille. Il lui lança un puissant sort de sommeil, lui fit boire un philtre d’amour qui la rendrait follement éprise de celui qui la réveillerait, et l’abandonna au milieu d’un cercle de parchemins maléfiques [6] que, pensait-il, seul un vrai héros oserait franchir. Il n’allait quand même pas laisser sa fille, même maudite, tomber dans les bras du premier venu !

Steakfrites

Sans le savoir, Carlabrünilde avait caché Sixdindes dans la maison où s’étaient réfugiés Taylorisrich et Mimolett. La jeune femme leur remit les débris de l’épée magique, qu’elle avait gardés sur elle, puis, en bonne héroïne tragique, mourut en donnant naissance au fils de Sixgnomes. L’enfant, Steakfrites, fut élevé par Mimolett. Il était plus fort que son père, plus beau que sa mère, et plus bourrin que les nains qui l’éduquaient. Taylorisrich comprit vite que ce garçon avait le potentiel pour débarrasser la région du dragon, et surtout pour lui ramener l’or du Tourderhin. Il ordonna donc à son frère de forger pour lui une vraie épée de héros.

Mimolett obéit, en bonne chiffe molle qu’il était. Il comprit vite que la seule épée qui conviendrait à Steakfrites était celle de son père, mais il ne parvint pas à la remettre en état. Le garçon finit par la reforger lui-même, ce qui força l’admiration des nains qui composèrent en son honneur la chanson "Il a fait une épée tout seul".

Puis il partit à l’assaut de la caverne du dragon, et dès la première passe d’armes, l’issue du combat ne fit pas un pli. Grâce à sa force surhumaine et à son épée magique, Steakfrites accomplit en cinq minutes ce que des décennies d’expéditions villageoises n’avaient pu accomplir. Sa victoire était si impressionnante que Mimolett, qui l’avait suivi de loin, prit peur. Voyant le héros commencer à s’enduire du sang du dragon pour devenir invincible, il se précipita et lui plaqua une main dans le dos.

"Bravo, mon garçon !"

Steakfrites, à qui le dragon avait révélé les pouvoirs de l’anneau avant de mourir, crut que Mimolett venait le lui prendre et le passa lui aussi par le fil de son épée. Après quoi, au lieu d’aller gentiment donner le trésor à Taylorisrich, il décida de venger ses parents en allant poutrer Total. Il partit l’esprit confiant, parce qu’après avoir tué un dragon, vaincre un chef de clan elfe, ça ne devait pas être la mer à boire. Sauf que cette andouille ne connaissait pas l’emplacement du palais du fiina.

Alors qu’il arpentait la campagne à la recherche du repaire de son ennemi, il aperçut quelque chose en haut d’une colline. Vu de plus près, c’était une très belle jeune femme endormie au milieu d’un cercle de parchemins. Steakfrites, qui était à un âge où la vengeance peut bien attendre un quart d’heure, franchit le cercle et réveilla Carlabrünilde. Sous l’effet du philtre qu’elle avait bu, celle-ci fut prise d’un tel amour pour lui qu’en fin de compte, il resta sur place bien plus d’un quart d’heure.

Le retour du ... pardon, mauvais bouquin.
Le Crépuscule des Vieux

A l’issue de leur coup de foudre, Steakfrites quitta Carlabrünilde en lui promettant de revenir la chercher quand il aurait fini une affaire qui lui tenait à coeur. Pour prouver sa bonne foi, il lui laissa l’anneau de pouvoir. Puis il repartit à la recherche de Total, tandis que l’elfe, encore sous l’effet du sort de sommeil, se rendormait un petit coup.

Steakfrites, qui n’avait décidément pas le sens de l’orientation, se retrouva en ville. Le maire Bibiche, qui dirigeait la cité, avait de nombreux enfants, dont Rikunther le Preux, Graverune la Blonde et Hagendasz le Fourbe [7]. Lorsque Graverune croisa Steakfrites, elle décida de mettre cet homme dans son lit et le fit venir au palais. Sans grand succès, Steakfrites étant omnubilé par Carlabrünilde et par sa vengeance. Voyant que tout cela chagrinait sa soeur, Hagendasz fit boire au héros un philtre de sa composition qui effaçait les souvenirs. Graverune put donc repartir sur de meilleures bases, et faire jouer son charme de blonde à forte poitrine. Devenu amnésique, Steakfrites se laissa séduire et même épouser.

Pendant ce temps, Rikunther, ayant appris par d’autres moyens qu’une très belle dame dormait en haut d’une colline, décida d’en faire sa femme [8]. Il partit donc, accompagné de ses frères et beaux-frères (ça faisait une belle compagnie), et tenta de franchir le cercle de parchemins. Mais la vue des mots maléfiques [9] le fit paniquer. Il implora Steakfrites, le grosbill du groupe, d’aller chercher la jeune femme à sa place en prenant son apparence grâce à son heaume. L’imbécile accepta sans hésiter. Il éveilla à nouveau Carlabrünilde, qui était tellement dans le coltard qu’elle se rendit bien compte que quelque chose n’allait pas, mais sans plus. Les jeunes gens échangèrent leurs anneaux en signe d’amour, puis Steakfrites ramena la belle à Rikunther. L’elfe n’y vit que du feu.

Son mariage avec Rikunther était déjà consommé lorsqu’elle constata que c’était son beau-frère, et non pas son mari, qui portait l’anneau qu’elle avait au doigt lors de son éveil. La mémoire lui revint alors, et elle alla se pochetronner à la taverne du coin pour tenter, en vain, d’oublier à nouveau la vérité. Prise de boisson, elle raconta tout à un compagnon de beuverie : la malédiction de Total [10], son amour pour Steakfrites, les pouvoirs de l’anneau, et le seul point faible du héros, qu’elle avait vu avec ses yeux d’elfe. Ce qu’elle ignorait, c’est que le compagnon de beuverie n’était autre que Hagendasz.

Quand Carlabrünilde reprit ses esprits, la tête en vrac et des relents de vomi dans les cheveux, elle comprit qu’elle en avait trop dit. Elle se précipita chez Steakfrites et Graverune, mais il était trop tard. Dans la nuit, Hagendasz avait poignardé Steakfrites dans le dos et s’était enfui avec l’or du Tourderhin, anneau compris. Retrouvant ses réflexes de Dame qui Rit, elle le poursuivit à travers la ville et parvint à reprendre le trésor.

Restait à finir l’histoire en beauté. Avec une flamme prise au bûcher de Steakfrites, Carlabrünilde mit le feu au beau palais de Total. Le fiina périt dans l’incendie, en tentant de sauver les poutres en nimloth qui lui avaient coûté si cher.

Epilogue

A la suite de cette histoire, le clan d’elfes quitta les rives du lac Aspousser et les derniers Nibelnimosh repartirent vers le sud. Quant à Carlabrünilde, elle partit jeter l’or du Tourderhin aussi loin que possible de la main des hommes. Rikunther et Hagendasz, qui s’étaient lancés à sa poursuite, furent capturés par les Moriacs, et plus personne ne les revit.

Bien entendu, on ne peut pas exclure que l’anneau émerge un jour des profondeurs où Carlabrünilde a pris soin de le cacher. On ne peut pas exclure qu’un modeste pêcheur l’adopte et se retire dans les montagnes. On ne peut pas exclure qu’une compagnie prenne la route pour trouver le seul endroit du monde où l’anneau peut être détruit. Mais quand même... vous y croyez, vous ?

Nak’hua Thorp


[1La concordance des temps voudrait qu’on dise "sans qu’ils ne sussent", mais tout le monde croirait à un gag.

[2Du point de vue de Total, l’épée dans la roche, c’était un truc de nain, indigne d’un elfe.

[3Et en langage courant, un attrape-couillons.

[4Total était de ces elfes qui trouvent du charme aux humaines, et de ces hommes dont la descendance officielle n’est que la partie émergée de l’iceberg.

[5Qu’est-ce que je vous disais ?

[6En fait, des supports de cours de mécanique des solides déformables. C’est aussi efficace qu’un sort et beaucoup plus économique.

[7D’aucuns prétendent que Hagendasz était en fait le fils caché de Taylorisrich, mais quelle humaine normalement constituée irait fricoter avec un nain ?

[8Sans même l’avoir vue. Confiant, le gars.

[9"On fera ici l’hypothèse des petites déformations..."

[10Qui, par ailleurs, n’était pas tendre avec sa descendance. Peut-être le destin tragique de sa fille Lérika vous sera-t-il conté un de ces jours.