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GemmeSorcier de Boisnu

Où l’on apprend à demander son chemin à un ver.

mercredi 6 octobre 2004, par Zien Nith

Approchez-vous de Zien Nith, le rôdeur Elfe ! Venez, au coin du feu, écouter l’histoire de Jagdâniel, l’Elfe ensorceleur de la petite forêt de Boisnu !

J’étais en route pour nulle part, comme à l’accoutumée. J’ai toujours aimé ma balader en forêt, buvant l’eau hors des feuilles les plus vertes des arbres les plus grands des forêts les plus touffues, me nourrissant des baies les plus juteuses et les plus riches, avec le bruissement des ruisseaux pour unique compagne, la course du soleil pour unique pendule... C’est donc tout naturellement que mon chemin croisa la forêt de Boisnu, puisque les arbres de la forêt de Boisnu sont dépourvus de feuilles, puisque qu’il n’y a aucun buisson à baies dans la forêt de Boisnu, puisque que le seul ruisseau à la forêt de Boisnu s’est noyé dans le marais et puisque que la brume empêche l’œil le plus fin de distinguer le jour de la nuit ; le soleil de la lune.
A Boisnu, il n’y a rien, que du bois nu, c’est d’ailleurs pour ça, Humain, que cette forêt se nomme de la sorte. Certaines mauvaises langues diront que lorsqu’on entre dans Boisnu, on n’en ressort pas, mais c’est faux. C’est trop petit pour qu’on n’arrive pas à en ressortir.
Sauf... si l’on rencontre mon frère de sang Jagdâniel, l’Ensorceleur de la forêt de Boisnu.

J’étais occupé à demander mon chemin à un ver des marais, qui, par ailleurs, n’avait pas l’air de comprendre que je n’étais pas en mesure de le suivre dans les galeries creusées par ses soins, manifestant ce manque d’empathie en me soutenant que si je prenais la deuxième bifurcation à droite en suivant le boyau nord, je tomberais sans aucun doute possible sur le torrent sous-terrain, et qu’il me suffisait de le suivre pour arriver à la cascade Belle-Mon-Dos, quand tout à coup, le sol se mit à trembler. Mes yeux se brouillèrent, et le ver partit sans demander son reste. Je restai là, surpris par cet effet étrange et me laissai doucement glisser vers la torpeur.

A mon réveil, j’avais l’impression étrange qu’on me picorait le crâne. Un bruit répétitif, un Tac Tac Tac, me faisait douter de ma raison et de cette impression, qui, il fallait bien s’y résoudre, n’en était pas une. J’ouvris les yeux, et la lumière agressa mes pupilles. J’étais sur un lit, dans une pièce fraîche et circulaire, parsemée d’objets étranges et inconnus. La clarté du jour éternel était filtrée par quelques trous de la taille d’un poing, criblant les murs de bois sans distinction de hauteur ni d’orientation.
Tac Tac Tac. Je me relevai sur les coudes, et tournai la tête sur la gauche. Rien. Tac Tac Tac. Pourtant, ce bruit assourdissant frappait à bâbord. Tac Tac Tac. Je décidai alors de porter la main sur ma tempe. Là, stupeur. Un oiseau y était agrippé, besognant mon oreille avec son bec pointu. Un Pic-vert. Je le pris dans mes mains, d’un geste rapide et fluide, et captai son regard. Celui ci me semblait étrange, mais je n’arrivais pas à comprendre ce qui me chiffonnait. Son regard était à la foi apeuré et curieux. J’interprétai sans mal ses impressions, et cet oiseau me semblait tout à fait normal, si on faisait abstraction du fait qu’il était occupé à me picorer l’oreille quelques secondes auparavant. Non... décidément, le problème était là, je le voyais dans ses yeux, mais je n’arrivais pas à le cerner.
Changement de point de vue, mon regard se noya dans le sien, et je sursautai. Mon reflet. C’est ça qui me tracassait. Dans ses yeux, j’y voyais mon visage, mais sa couleur était unie et brune. Je pointai mon regard sur mon nez, et j’eus la confirmation de mes craintes : Ma peau avait changé.
Paniqué, je lâchai l’oiseau, qui prit son envol et s’échappa par un des trous de la pièce, en ricanant, après avoir gravé à toute vitesse des lettres étranges dans le bois mort, et je portai les mains à mon visage. Dur. Il était dur. Dur comme..
« Du bois. »
Je me retournais sur la droite, et il apparut.
« Tu as une belle gueule, j’avoue que je me suis bien amusé à exercer mes enchantements sur toi ! »
C’était un Elfe aux longs cheveux blonds et au regard fin. Un Frère. Et tout ce qu’il trouvait à dire, c’est que je l’amusais !
« Ainsi, c’est toi qui m’as filé cette gueule de bois ? » Lui dis-je avec un air de dédain, tout en contemplant distraitement sa tenue colorée, serrée à la taille par une ceinture en cuir.
« Oui, c’est moi. J’ai exercé sur toi le sort du Livre Esse, écrit de tout son soûl par le Grand Beurré, le frère aîné du petit Beurre. J’ai tenté de te faire comme à Etiliq, mais mon sort s’est opposé à ta volonté. Aussi, me suis-je vengé en te filant la gueule de bois. Enfin, ces effets sont temporaires, pas comme la Coutume-Anse. »
« Je te remercie, frère Elfe, de m’avoir épargné les effets de ce sort dévastateur... »
« Oh, mais je n’y suis pour rien ! C’est parce que je n’ai pas le niveau... »
« Ah. Et... quand-est-ce que je récupèrerai mon état normal ? »
« Ca, mon ami, ça dépend de ta volonté et de ton endurance. »
« Tu m’exaspère, Frère. Tu m’exaspère vivement. Qui est-tu ? »
« Je me nomme Jagdâniel, je suis l’ensorceleur de la forêt de Boisnu. Tu devrais le savoir ! C’est à cause de moi que personne ne ressort jamais vivant de cet endroit ! »
« Non, je ne le savais pas.. Réfléchis...Si personne ne sort jamais vivant de cet endroit, qui aurait pu me parler de toi ? »
« Euh... c’est juste. »
« Où sommes-nous ? »
« Tu es chez moi le bienvenu, Frère. Cet arbre creux est ma demeure. »
« C’est gentil, mais j’ai affaire, je dois.. euh... gambader en forêt et parler aux oiseaux, c’est... euh... capital. »
« Non, non, et non ! Tu ne sortiras pas d’ici ! Tu es à ma merci, et j’ai besoin d’un cobaye pour mes expériences d’ensorcellement. J’ai envie de faire des expériences d’ensorcellement ! Je le veux ! OUI ! JE LE VEUX ! »
Sa voix se mua en un cri de colère. Je me terrai, avec tout le courage dont je puis faire preuve, au fond de mon lit, le dos collé contre la paroi du tronc creux, et je le laissai faire sa démonstration. De ses yeux sortirent des rayons luminescents. Ses oreilles semblaient tourner sur elles-mêmes, et ses cheveux se dressèrent sur son crâne. Il avait l’air ridicule, mais je me retins de rire, me disant que si j’avais l’air impressionné, peut-être croirait-il que son sort avait de l’effet sur moi.
« Tu vois ? Me dit-il, Je suis tout puissant et tu ne peux rien contre moi ! »
« Oui, oui, c’est évident », réussis-je à dire entre deux tentatives de réprimer un rire.
« Ainsi, je serais un grand sorcier, et je serais connu de tous ! Et tout le monde me craindra et les enfants trembleront lorsque leurs parents terrifiés leur raconteront l’histoire de Jagdâniel l’Ensorceleur ! »
« Ca, permets-moi d’en douter... » lui dis-je avec assurance.
« Comment ? Douterais-tu de ma puissance ? »
« Non, mais à quoi sert la toute puissance si jamais personne n’en prend connaissance ? »
« Euh... »
« Laisse-moi partir, laisse-moi parler de toi et de ta forêt, laisse-moi conter l’histoire de Jagdâniel l’Ensorceleur de Boisnu, la forêt aux miles richesses, et les gens viendront vérifier par eux même, et tu pourras leur faire une démonstration de ta puissance ! »
« Ma foi, Frère, tes mots sonnent juste à mes oreilles. Soit, qu’il en soit ainsi. Je te libère, Frère. Puisses-tu répandre ma renommée par delà les frontières ! »
Et c’est ainsi qu’après avoir décliné son invitation à subir les effets du sort « absorption de caféine » je quittai l’endroit sans demander mon reste. Après un regard de bois vers le tronc creux, je courus vers la sortie, vers la lumière du soleil, vers la liberté.

C’est pourquoi, mes amis, je vous en conjure... n’allez pas à la forêt de Boisnu, laissez la sénilité s’emparer de Jagdâniel, vivez d’amour et d’eau fraîche, car vous risquez bien plus qu’une gueule de bois.
Si vous ne suivez pas mes recommandations, alors, je vous en prie, faites attention... car lorsqu’on se met à parler à un ver, il est, bien souvent, déjà trop tard.