Casse-Trolls

Marécages de l’Eternelle Agonie, 2e jour des calendes de Zaou.

Au très puissant et respecté Seigneur de Miluej, Chantre Brasseur Mage de 18e niveau Indychaton, Cham von Schrapwitz, mage élémentaliste les pieds dans la boue.

Mon Cousin,

Grande est ma joie malgré les épreuves, car nous avons trouvé ce que nous sommes venus chercher. Nous sommes dévorés des pieds à la tête par des moustiques gros comme le poing, harassés par des Trolls, Spectres, Gorgauths mauves [1] et autres joyeusetés, mais nous sommes victorieux.

Voici trente jours que nous arpentons les Marécages de l’Eternelle Agonie. Le parti d’aventuriers minables que j’avais engagé à mon service a été en grande partie décimé au nom de la science. Nous avons donné le dernier Halfling en pâture à un Troll des marais, qui s’en est fait une brochette avec des poivrons et de la couenne de Gobelin. Je lui ai jeté un petit sort de "barbecue maison", et le Troll était content. C’est si simple de faire plaisir.
Presque tous mes compagnons sont morts glorieusement, à l’exception du Ranger que j’ai pulvérisé sous une colonne de flammes pour s’être paumé dans les marais au bout du troisième jour. J’aurais du me méfier aussi d’un type qui porte une chemise à fleurs et des pantoufles en fourrure orange pour aller dans les marais.

Bref, le froid, l’humidité et la vermine, tout cela en valait la peine. Nous avons trouvé ce que je suis venu chercher, l’artefact dont parlait la Chronique de Buchon, Grand Shaif-rôt Supérieur de l’Ordre de Lagam-Hell "Histoire Commentée des Objets Magiques utiles à la cuisine" : le Casse-Troll.

La preuve est donc faite que la légende n’en était pas une, et le chaînon ne manque plus. Pour mémoire, je vous rappelle les faits importants relatés par le Shaif-rôt Buchon :

Il fut un temps ou les Dieux marchaient parmi les Hommes. Un temps ou les héros étaient de vrais héros, et les méchants de vrais méchants. Pas comme la gnognote actuelle.

(notons que tous les vieux sages dans leurs chroniques tiennent ce discours).

Les tribus des hommes velus qui vivaient au sud des Marécages de l’Éternelle Agonie étaient en lutte contre les Trolls de Ténaz-Antong. Pour ne pas les attendre comme des cons dans leurs villages de huttes, ils envoyaient des chasseurs au plus profond des marécages. La peau des Trolls était trop épaisse pour les primitives épées, il fallait leur casser la tronche à coup de masse. Alors seulement on pouvait les démembrer plus vite qu’ils ne se régénéraient [2]. Les grosses masses de fer qui servaient à cette rude chasse étaient appelés par ces Humains primitifs des "Casse-Trolls". Ils étaient enchantés par les six Shamans poilus de la tribu dénommés les Trahms. Cela permettait au porteur dene pas perdre l’équilibre dans le marais lorsqu’il frappait. D’où l’expression fameuse "si tu ne prends pas un Casse Troll des Six Trahms, tu prendras une gamelle...

Or les chasses étaient longues, et les guerriers des hommes velus se lassaient vite de la viande rôtie au feu de bois. Ils auraient voulu des petits plats comme ceux que leurs faisaient leurs femmes velues : mijotés avec amour (et du poil autour).

Un jour un chasseur du nom de Qiscoul Barbe-en-chou-fleur tapa trop fort sur un gros Troll des Marais. Une cavité se forma dans sa masse. Comme il avait égaré le ticket de caisse, il ne put la rapporter chez les Six Trahms pour faire valoir la garantie. Mais Qiscoul avait vécu chez les Nains (d’où sa barbe), et il avait appris chez eux le secret du tambourin, du Chiantos et de la métallurgie (les Nains aiment le Heavy Métal mais ne vont pas dans les marais ou ils s’enfoncent jusqu’au casque).

Qiscoul décida de creuser encore la cavité. Il obtint ainsi un objet plus épais et plus grand qu’une louche, mais bien plus petit que les gros chaudrons de fonte qui servaient à sa tribu pour cuire les soupes et les tourtes aux cailles. Le récipient se comportait merveilleusement au feu, et Qiscoul pu se cuire ses propres soupes de navets des marais. En outre, le sang de Troll collé au métal donnait un goût fort apprécié par les barbares à la préparation. Le récipient devint fameux, et fut connu comme ayant un "double effet Qiscoul".

Lorsque les Trolls de Tenaz-Antong furent vaincus et dispersés, les Casse Trolls perdirent leur vocation guerrière. En outre, les hommes velus s’étant mis au commerce, leurs objets furent avidement recherchés, et plein de copies plus ou moins adroites furent exécutés par des forgerons sans scrupules.

Ainsi parlait le Shaifro Buchon.

Au court des siècles qui suivirent, la vocation militaire fut oubliée, et une migration sémantique se produisit. Le Casse Troll devint la casserole.

L’arme primitive que j’ai extrait des marais est la preuve se ses dires, et sera vachement utile dans ma cuisine ET dans ma milice privée.

Par contre, je suis toujours à la recherche de la cassolette primitive... Mais je dois rentrer avant la fin du pèlerinage des calendes de Zaou : je ne veux pas croiser sur les chemins les pèlerins de Dlul qui se rendent à son sanctuaire. J’aime pas les embouteillages de Zaoussiens.

J’ai l’honneur, mon bien aimé cousin, d’être votre dévoyé serviteur blablabla...

Cham von Schrapwitz, Mage Elementaliste englué dans les marais.