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GemmeEssuie-tout magique de Gloufila

Artefact improbable mais fort utile.

mardi 11 décembre 2007, par Nak’hua Thorp

Cette histoire commence là où aucune autre histoire répertoriée n’a jamais commencé : à la croisée d’Urgh, la seule étape sur la route entre Alaykjdu et Glargh qui ne soit jamais devenue un village, à cause de l’ennui mortel de cet endroit, où la seule animation est à mettre sur le compte des ogres qui font souvent des raids. Le croisée d’Urgh, c’est tout le paradoxe d’un point essentiel sur les routes commerciales, mais qui se limite à une auberge fortifiée au milieu d’un nulle part seulement ponctué par les deux voies de circulation qui s’y croisent. Et pourtant, un jour, il s’y passa quelque chose.

Autrefois, le chef cuisinier de l’auberge de la croisée d’Urgh était un dénommé Gloufila, coq émérite passé maître dans l’art de préparer à moindres frais une palette de variations autour d’une même recette susceptible de contenter les estomacs de tous les visiteurs. Comme il passe depuis toujours [1] des gens de tous peuples et de tous horizons entre les murs de l’auberge, cela nécessitait une souplesse culinaire remarquable. Allez, vous, nourrir les elfes snobs de la noblesse d’Alaykjdu de la table 1 et les maraîchers hobbits de la table 4 sans préparer deux plats totalement différents...
Gloufila s’était ainsi fait une petite réputation, qui ne suffisait pas à attirer à l’auberge d’autres clients que ceux qui étaient obligés de faire étape à la croisée d’Urgh.

Un beau jour, un marchand de Noghall qui était là pour la nuit tomba sur la soirée cassoulet, qui avait lieu une fois par lune environ. Ce soir-là, il fit un si bon repas qu’il fit appeler le cuisinier pour le féliciter. Ce n’était pas exceptionnel pour Gloufila, qui avait l’habitude de ce genre d’honneurs. Ce qui était inhabituel, en revanche, fut la façon suspecte donc le marchand lui tendait "discrètement" un petit rouleau de papier-chiffon en lui recommandant d’attendre d’être seul pour le lire. Evidemment, la moitié de la salle avait vu ce geste.
Gloufila, néanmoins, ne suivit pas le conseil de son client. Il alla voir son patron et lui demanda de lui lire le texte à haute voix.
On fait ce qu’on peut. Le cuisinier, en l’occurrence, était analphabète.

Le rouleau, une fois déroulé, se révéla n’être qu’une bête feuille de papier rectangulaire annonçant :

GRAND CONCOURS DE CASSOULET
SUR LA GRAND-PLACE DE NOGHALL
LE JOUR DE LA FETE DES POMMES !

Un fantabuleux objet majique à gagné !

Viendez nombreu !

Ayant obtenu de son patron l’autorisation de prendre des congés [2] pour participer au concours, Gloufila commença par passer beaucoup de temps à se demander quel était le rapport entre le cassoulet et la fête des pommes. Après bien des suppositions et la décoction d’écorce de saule qu’il dut ingurgiter pour calmer le mal de tête qui s’ensuivit, il finit par se dire que la date avait probablement été choisie simplement parce que c’était un jour férié, et qu’il ne fallait pas chercher plus loin.

Il y alla. Il vit. Et il vaincut.
Gloufila n’en était pas à son coup d’essai en matière de cassoulet. Il connaissait les goûts des personnes qui composaient le jury et avait adapté son assaisonnement en conséquence. C’était aussi simple que ça.

Appelé devant un mage au son d’une fanfare mal accordée pour recevoir son premier prix, Gloufila s’entendit demander :
"Ô vainqueur, quel est donc l’objet que vous souhaitez faire enchanter ?"
Panique à bord. Le cuisinier n’avait absolument pas été prévenu qu’il fallait apporter un objet [3]. Il fouilla ses poches, y trouva deux clefs, une noix et des miettes de pain dur. Rien à espérer de ce côté-là. Il se résolut donc à tendre au mage le torchon qu’il portait accroché à son tablier de cuisine.
Il y eut un silence sur la grand-place. Au bout d’un moment, le mage demanda :
"Mais qu’est-ce que vous voulez que je fasse de ça, au juste ?"
"Vous savez, quand on est en cuisine, on doit trop souvent changer les torchons. Si on pouvait avoir un torchon qui absorbe tous les liquides sans se mouiller ou se salir, ce serait le paradis."

La demande était insolite, mais Gloufila avait gagné le concours. Il dut prolonger ses vacances de quelques jours pour laisser aux mages le temps de mettre au point cet enchantement non conventionnel. Puis il revint à la croisée d’Urgh, triomphant, avec à la ceinture son torchon magique qui essuyait tout. Pour faire plus court, on se mit dès les semaines suivantes à parler d’essuie-tout.

L’essuie-tout magique de Gloufila fit des merveilles à la plonge comme en salle. Il nettoyait toujours tout, sans jamais se salir ni se mouiller. A la mort du cuisinier, comme celui-ci n’avait pas d’héritiers, il demeura sur place, comme toutes ses possessions. Il fit ainsi le bonheur de tout le personnel de l’auberge pendant de nombreuses années.
Le drame survint une paire de générations plus tard. Manié par un apprenti maladroit, l’essuie-tout magique tomba dans une marmite de soupe. La marmite fut instantanément propre et sèche, avec un résidu déshydraté qui commençait déjà à se carboniser dans le fond. Malheureusement, c’était une soupe à la truffe pour un invité de marque...
L’apprenti fut immédiatement livré aux ogres, et l’essuie-tout, considéré comme trop dangereux, fut revendu à un négociant en objets magiques venu d’Alaykjdu. C’est ainsi que de fil en aiguille, ou plus probablement d’elfe en elfe, l’artefact arriva aux mains des elfes Lunelbar, grands collectionneurs d’objets magiques, qui l’ont probablement déjà refourgué depuis à quelque malheureux à qui ils ont omis d’expliquer sa fonction.

Si quelqu’un le retrouve, sachez que je veux bien le racheter. C’est un objet unique au monde qui serait bien pratique pour faciliter les tâches ménagères dans mon Université.

Nak’hua Thorp


[1Enfin presque. Disons "depuis que les routes commerciales existent".

[2Sans solde. Rares sont les corporations qui ont intégré la notion de "droit des travailleurs" en terre de Fangh.

[3C’était pourtant écrit sur une affiche à l’entrée de la Grand-Place, mais fatalement, il n’avait pas pu le lire.