Chakhom
Dieu des rivières et des chats.
dimanche 25 mars 2007, par
Si les navigateurs qui transportent par voie fluviale des marchandises entre Mliuej et Glargh, entre Fquiepou et Waldorg ou entre Tulamor et Takayalé, ont coutume de verser dans le fleuve le contenu d’une bouteille de bière avant de larguer les amarres, c’est pour s’attirer les bonnes grâces de Chakhom, le dieu des rivières. En effet, Chakhom est mieux disposé quand il n’a plus soif. Son règne s’étend aussi aux chats, bien qu’on n’ait jamais vu un seul chat le prier [1].
Chakhom a l’apparence d’un homme "dans la force de l’âge" comme on dit chez les humains. Ses cheveux longs font des vaguelettes sur ses épaules, sa barbe, en revanche, est portée courte. En général, on le pare d’accessoires qui rappellent les écailles des poissons ou encore les plantes aquatiques. Ses attributs divins sont un masque d’or, une rame dans la main droite et deux chatons au creux du bras gauche. Si le sens de la rame et des chatons est assez évident, le masque d’or peut sembler plus mystérieux. En fait, c’est l’outil de communication qui permet au dieu de commander aux eaux des rivières et aux bestioles qui vivent dedans. Quand il ne l’utilise pas, Chakhom porte son masque au bout d’un cordon passé autour du cou, comme un très gros pendentif. C’est un dieu qui peut prendre une forme animale : un chat, bien entendu.
Les navigateurs n’étant ni très religieux, ni très enclins à rester dans un port assez longtemps pour y construire un lieu de culte, le seul temple de Chakhom officiellement répertorié se trouve à Glargh, à l’aplomb d’une source qui jaillit dans une fontaine au pied de la statue du dieu, et dont l’eau file ensuite par une rigole jusqu’au portail d’entrée. De là, elle se mélange aux eaux du caniveau, qui finissent toujours par arriver, d’une façon ou d’une autre, jusqu’au fleuve Elibed.
Au-dessus du portail de bois sculpté de vaguelettes, le fronton proclame :
Chakhom est un dieu.
Chakhom est libre.
Cette devise résume bien ce que les bateliers pensent de Chakhom : il a le pouvoir divin et à ce titre, il vaut mieux ne pas l’emmerder. Car si les rivières sont moins capricieuses que la mer, elles n’en ont pas moins leur petit caractère quand elles le veulent. On se contente donc des offrandes de binouze au dieu, pour qu’il soit content, et on évite de le prier trop souvent, pour ne pas l’énerver. On craint toujours qu’il ne se fâche pour un rien. Exactement comme un chat, en fait. Officiellement, Chakhom est le dieu des chats parce qu’il y en a dans tous les bateaux qui transportent de la nourriture, mais il est possible que ce soit ça, la vraie raison.
D’ailleurs, des chats, il y en a des dizaines qui vivent au temple. Ils sont considérés comme sacrés par les fidèles de Chakhom, qui les nourrissent à chaque fois qu’ils viennent rendre hommage à leur dieu [2]. Du coup, le temple de Chakhom est le fournisseur de chatons le plus fréquenté de la ville. On vient y acheter des chats pour garder les bateaux, mais aussi les greniers, les caves et tout autre endroit où pourraient venir des rats, autrement dit, à peu près tous les bâtiments de Glargh et des environs. Cette activité est le meilleur moyen qu’a trouvé Vadirnon, le grand prêtre de Chakhom [3], pour financer l’entretien du temple et pour empêcher le nombre de chats de devenir ingérable.
Chakhom s’incarne parfois, mais sous forme féline et jamais humaine. On dit que même le masque d’or ne lui suffit pas pour réussir à avoir de l’autorité sur les chats. Je crois que, de même que seul un ninjassassin peut vaincre un ninjassassin, seul un chat peut avoir de l’autorité sur un chat.
En tout cas, les avatars de Chakhom se reconnaissent à une capacité pas si courante chez les félins : ils volent. Si l’autre soir, vous avez vu un félin qui volait, c’était probablement lui.
Nak’hua Thorp
[1] En revanche, on a déjà vu des chats boire de la bière.
[2] Car nourrir un chat sacré, ça compte aussi comme offrande à Chakhom.
[3] Vadirnon lui-même, avec ses tuniques sans manches et ses pantalons en cuir, est un personnage pittoresque qui justifie à lui tout seul une visite au temple. Tout comme son dieu, il est de ces gens qu’il vaut mieux ne pas insupporter, ne serait-ce que parce qu’il est assez calé en combat à mains nues pour défendre au quotidien le masque d’or de la statue de Chakhom. Curieusement, personne n’a jamais tenté de piquer la rame.