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GemmeDestinologie

Une pseudo-science druidique amusante à défaut d’être instructive.

jeudi 30 novembre 2006, par Nak’hua Thorp

A en croire les druides, chaque Homme a un Destin.
Si dans cette phrase, le mot "Homme" est à prendre au sens large (il désigne toutes les créatures humanoïdes d’intelligence mesurable, quel que soit leur sexe), le mot "Destin" aussi. L’idée dominante est qu’il y a une part de prédestination dans chacune de nos vies, mais variable et difficilement quantifiable. Partant de là, la destinologie vise à décrire, pour un être donné, ce qu’il serait si son existence dépendait à 100% de ladite prédestination [1]. Bref, c’est une forme de divination, mais qui ne tient absolument pas compte de la réalité présente pour se projeter dans le futur.
Déterminer un futur hypothétique à partir d’un présent hypothétique, sans jamais promettre que le vrai futur lui sera conforme. Je trouve ça parfaitement inutile, et c’est sans doute pour cela que j’aime bien le concept.

La destinologie fut inventée par le druide fuhaliste Nivinci Hibou, que l’on connaît par l’énorme traité qu’il laissa à ses disciples, mais dont on ne sait trop à quelle époque il vécut.
Un trio de mages mené par l’entropiste Lewis Hygo [2] tenta, voici deux siècles, de convaincre les destinologues de leur prêter le traité pour une datation. Les trois mages avaient prévu des compensations sous forme d’argent, d’articles religieux et d’ingrédients magiques, mais ils se firent quand même vertement éconduire à coups de trébuchet [3]. La méthode est simple : on saucissonne le mage, on le charge dans le trébuchet, et on tire en direction du fleuve. Répétez l’opération autant de fois que nécessaire, ou attachez les indésirables ensemble pour une seule salve plus massive.
Le choc fut tel que pendant plusieurs mois, les trois mages virent une étoile de plus dans le ciel, si rémanente qu’ils crurent à une planète et cherchèrent à danser dessus. L’affaire Lewis Trio fit grand bruit dans les salles de magie à l’époque. Et puis on se résigna à ne jamais savoir quand Nivinci Hibou avait rédigé son traité.

Un druide ne fait pas de magie. Il en appelle au pouvoir de son dieu tutélaire. C’est pourquoi les destinologues se réclament de la science et non pas des arts occultes. Mais depuis que la destinologie existe, les vrais académistes, ceux qui étudient à longueur d’année des trucs chiants et même pas magiques en espérant améliorer un jour le quotidien du commun des mortels, ceux-là rient au nez des destinologues sans même lever les yeux de leurs abaques. Du coup, les mages se marrent aussi. Qui d’autre qu’un fuhaliste pourrait avoir l’idée saugrenue de fonder un système de prédiction exclusivement sur des dates ?

Car voilà, l’unique point de départ de la destinologie, c’est que la date de votre naissance prédestine toute votre vie, ou plutôt tout votre destin, que vous suivrez ensuite à des degrés divers, allant globalement de "pas du tout" à "un peu quand même". Il y a des subtilités que je ne maîtrise absolument pas, mais pour simplifier, Nivinci Hibou a séparé le monde en treize signes correspondant au calendrier lunaire :
- Natif de Keleurithil, vous êtes Trilobite.
- Natif de Dif’isil, vous êtes Perrette.
- Natif de Yrfoulmûn, vous êtes Coquille.
- Natif de Walkithil, vous êtes Bombarde.
- Natif de Bakhoulë, vous êtes Baudet.
- Natif de Sailormûn, vous êtes Casquette.
- Natif de Fuhalië, vous êtes Huître.
- Natif de Teikitisil, vous êtes Zombi.
- Natif de Peri’më, vous êtes Potiche.
- Natif de Petipanië, vous êtes Foulard.
- Natif de Taratasta, vous êtes Cactus.
- Natif de Malgarë, vous êtes Dindonneau.
- Natif de Gudnaïthmûn, vous êtes Orignal.

Le nom des signes vient paraît-il de longues heures passées à observer les nuages lors de chaque lune. Je me demande encore ce que Nivinci Hibou avait fumé le jour où il a vu un nuage en forme d’huître... enfin, passons.

Au sein d’un même signe, il y a de nombreux points communs entre les personnes, d’un point de vue purement destinologique et donc pas appelé à être vérifié par la réalité. Par exemple, les Perrette sont théoriquement des artistes. Si vous n’êtes pas artiste, c’est que votre destin de Perrette ne s’applique pas assez à vous. Il est valable quand même, destinologiquement parlant. Avec un peu de chance, il se trouvera même un destinologue pour vous expliquer que dans votre cas et au mépris de la règle destinologique fondamentale de correspondance entre lune et signe, en fonction de la forme des nuages et de la position des étoiles, vous êtes plutôt à placer sous le signe de la Bombarde [4].

L’approximation est ensuite affinée grâce à divers éléments. Le plus connu est le jour de votre naissance, qui vous rapproche théoriquement de la figure tutélaire dudit jour : Oboulos, Crôm, les Muses, Ilshidur, Lafoune, Caddyro ou Dlul. Mais le destinologue prendra également en compte d’autres éléments dont il dispose sur le moment exact de votre naissance. J’ignore comment on procède. Tout ce que je sais, c’est qu’en destinologie, on conserve précieusement tous les journaux, prospectus et autres annonces de marabouts, classés par date. Mais je n’ai pas de temps à perdre à m’introduire chez un destinologue en mode invisible pour voir ce qu’il fait exactement de tous ces documents. Ce qui compte, c’est que l’idée d’appliquer des règles de divination figées pour déterminer l’avenir des habitants d’une terre profondément chaotique, c’est du nawak dans toute sa splendeur.

Il semble que certains aient plus de temps libre que moi, puisque plusieurs associations sont montées au créneau ces dernières années pour dénoncer la destinologie, considérée comme une escroquerie. Pour l’instant, toutes ont été déboutées, si bien que les nobles dames peuvent continuer à dépenser couronnes et ducats pour apprendre l’avenir théorique de leur dernier rejeton. Pendant ce temps, le reste de la population se moque bien de la destinologie. L’avis général est qu’on a bien assez à faire à contenir Gzor sans aller en plus éradiquer une bande de druides qui ne fait de mal à personne [5].

Il n’empêche que de tout le monde druidique, la Confrérie des Destinologues est sans aucun doute possible la chapelle la plus riche (et aussi la plus urbaine, car la clientèle ne court pas les bois). Un comble pour un ordre fondé à l’origine par un fuhaliste, par définition fort peu attaché aux biens matériels.

Nak’hua Thorp


[1Des siècles d’observation laissent à penser que pour un humanoïde moyen, la part de Destin est plutôt de l’ordre d’un pouillième de pourcent.

[2On s’éloigne du sujet, mais j’aime bien les digressions de ce genre : trois ans plus tard, Lewis Hygo entra dans ma famille en épousant ma grand-tante Esilawë Thorp.

[3Si vous avez lu "tabouret" au lieu de "trébuchet", consultez un médecin de toute urgence et arrêtez d’écouter Machins de Taverne en boucle.

[4"Rendez-vous !"
"Jamais !"
BLAM.
"C’est bon, on se rend !"

[5Rappelons qu’il n’est pas illégal de soulager une personne de sa bourse, à partir du moment où elle vous l’a donnée d’elle-même et avec le sourire.