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Recueil Informel de Vérités Méconnues
du Grand Pumaccuda.
samedi 9 septembre 2006, par
Si l’on en croit les archives, en plus d’être un simple humain, le Grand Pumaccuda n’était pas un magicien. Il n’avait jamais tué de dragon non plus, mais comme il ne devint pas maître du monde, l’information n’a guère d’intérêt. De toute façon, il ne reste que fort peu de traces de son existence en dehors de son célébrissime Recueil, que n’importe quel mage se doit d’avoir consulté au moins une fois dans sa vie. C’est un peu comme le pèlerinage à Glandorn pour les druides bakhoules : une étape indispensable dans notre parcours.
La seule information à peu près fiable au sujet du Grand Pumaccuda, c’est qu’il était vraiment très grand. Pour lui parler droit dans les yeux, on le faisait asseoir. Un témoignage pas forcément digne de foi raconte qu’il avait quitté son village natal après avoir subi une terrible humiliation : par flemme d’ériger un mat pour la fête du printemps, le bourgmestre lui avait fait tenir une cocarde à bout de bras, et les villageois avaient passé la journée à l’escalader. Si cette histoire est vraie, elle a le mérite d’expliquer pourquoi il fut toujours si secret au sujet de sa véritable identité, ne se présentant que sous le surnom sous lequel nous le connaissons aujourd’hui [1].
A part ça... rien. Le Grand Pumaccuda vécut vingt ans à Waldorg sans laisser d’autre empreinte qu’une ardoise kilométrique à la Taverne des Deux Coudes [2].
De ces vingt ans passés à observer la vie colorée de la cité, il tira un certain nombre de pensées qu’il consigna patiemment dans un carnet. Et bien qu’il n’eût point été éduqué dans une des grandes écoles créées pour former les penseurs, ou peut-être à cause de cela, il n’écrivit que des choses justes. Le Recueil se présente sous la forme d’une collection aussi décousue que spontanée de petites phrases qui interpellent. Plus qu’un exposé sur le sens profond de la Vie, l’Univers et tout le reste [3], c’est une invitation à réfléchir autrement.
Le Grand Pumaccuda laissa un jour ce carnet en gage, contre une somme assez modeste qui lui permit sans doute de quitter Waldorg. Sa signature sur le registre est la dernière preuve matérielle de son existence.
Trente ans plus tard, la petite-fille du prêteur sur gages, qui était élève mage et vivait chez son grand-père car il habitait à proximité de l’école de magie, retrouva le carnet dans un vieux coffre. Enthousiasmée, elle voulut le recopier pour le montrer à ses professeurs. C’est alors qu’elle se rendit compte que passé la page de garde, elle n’arrivait pas à retranscrire le contenu du carnet. Le Grand Pumaccuda, qui n’était même pas mage, et n’avait apparemment jamais fait affaire avec un mage [4], avait trouvé le moyen de protéger ses écrits contre la copie. Quiconque tentait de recopier son texte n’arrivait qu’à couvrir son parchemin de pâtés.
La demoiselle apporta le carnet à l’école dans l’espoir de trouver une personne capable de défaire l’enchantement, mais Dame Erikenn, son professeur de cryptage magique, lui apprit que cela n’en était pas un. Le carnet du Grand Pumaccuda était fortement imprégné de l’esprit de son auteur, ce qui rendait le fond indissociable de la forme. En d’autres termes, les pensées qui y étaient consignées étaient incompatibles avec toute autre forme de support. Ce procédé, normalement maîtrisé seulement par quelques archimages, était connu sous le nom de Dispositif Anti Diffusion et Vandalisme Scellé par l’Individu. On suppose que le Grand Pumaccuda apposa instinctivement cette mesure de protection sur son oeuvre. Il n’en était sans doute même pas conscient : vu le contenu du recueil (que je ne peux reproduire ici pour les raisons que je suis en train de suer à expliquer), il n’était pas du genre à s’opposer à la diffusion de ses idées.
L’école racheta le carnet au prêteur pour en faire un sujet d’étude, tant comme lecture édifiante que comme spécimen intéressant de Dispositif, etc. (non, je ne l’écrirai pas plusieurs fois). L’ouvrage y gagna le nom de "Recueil Informel de Vérités Méconnues", ce qui le résume bien, finalement. Tant et si bien qu’aujourd’hui, le passage à Waldorg pour consulter le livre est devenu un passage obligé pour tous les maîtres mages et surtout leurs disciples. Le papier, fait avec du chiffon bon marché, n’était pas prévu pour durer des siècles. Il a été renforcé par divers sorts pour supporter les milliers de mains fébriles qui le feuillettent chaque année, mais il n’est toujours pas possible de recopier le texte. On espérait pourtant qu’il tomberait dans le domaine public après la mort de son auteur, qui selon toute probabilité, mange les framboisiers par la racine depuis déjà de nombreuses décennies... mais non [5].
Jusqu’à nouvel ordre, la seule citation du Recueil que l’on trouvera dans les grimoires sera donc la page de garde :
C'est son père.
Grand Pumaccuda
Pour en savoir plus, le seul moyen est de se rendre à Waldorg et de voir l’ouvrage de ses propres yeux. Pour peu que l’on sache lire [6], ça vaut le détour. Seul bémol : l’accès à la salle est payant pour les non-mages. Il n’y a pas de petits profits.
Nak’hua Thorp
[1] Vous ne pensiez quand même pas que "Grand Pumaccuda" était son vrai nom ?
[2] La notoriété du Recueil attire naturellement de nombreux visiteurs à la taverne. Le patron a donc reproduit le décompte sous forme de fresque sur les murs. Pour les curieux, la Taverne des Deux Coudes est sise ruelle des Toits Penchés, à Waldorg
[3] See you up there, Doug !
[4] Cela serait noté dans des archives. D’une façon générale, les gens qui touchent à la magie ont tendance à consigner énormément de choses par écrit. Le corollaire, c’est que les gens qui étudient la magie ont des volumes considérables de texte à lire.
[5] A vrai dire, c’est quand même le soulagement qui prévaut, car on a longtemps craint de voir le Recueil s’autodétruire après avoir été lu mille fois.
[6] A ce propos, une des tentatives pour cracker la protection a consisté à faire réaliser un portrait du livre (ou une nature morte, si vous voulez) par un peintre analphabète. Sans résultat. Sur les pages du livre peint, il n’y a rien de lisible. Mais certains prétendent que c’est précisément parce que le peintre ne savait pas lire.