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GemmeI-Beh Tortelame

Figure majeure de la magie financière

mardi 3 janvier 2006, par Nak’hua Thorp

Bien que les nains soient rarement associés à la magie dans l’imaginaire collectif, il existe bel et bien des utilisateurs de magie dans certains clans de nains. Les clans de forgerons ont tous leur mage spécialisé dans l’enchantement d’armes, et les clans d’ingénieurs comptent plus d’un alchimiste dans leurs rangs. I-Beh n’était ni l’un ni l’autre. Issu d’un simple clan de mineurs des monts de Gzor, au nord de Mliuej, il était destiné de par sa faible constitution [1] à consacrer sa vie au commerce des pierres précieuses extraites par ses frères. Tout en menant une carrière de marchand tout ce qu’il y a de plus honorable, il réussit l’exploit de passer à la postérité en rendant populaire la magie d’argent, jusqu’alors réservée à quelques élites.

I-Beh naquit au sein du clan Tortelame, des mineurs spécialisés dans les pierres précieuses [2]. Très jeune, il s’avéra moins robuste que ses frères de clan. Comme il était en revanche intelligent et débrouillard, il fut placé en apprentissage auprès du marchand de pierres Belmahr, qui faisait commerce des produits de la mine à Mliuej et parfois même à Gzor, à distance respectable de la forteresse du monstre. Eût-il été simple d’esprit, il aurait été affecté au tri des pierres ou aux cuisines, ce qui lui aurait à jamais barré la route de la magie. Mais cela gagne à être rappelé, car même au sein d’un clan de mineurs, si tout le monde creusait, la communauté ne tarderait pas à mourir de faim au milieu d’un gros tas de diamants.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, I-Beh n’était pas obsédé par le profit. C’était même un authentique amoureux des pierres, et on raconte qu’il versa plus d’une larme en vendant une pièce particulièrement belle. La plupart des pierres qu’il vendait étaient utilisées en bijouterie, mais certaines, les plus grosses, les plus pures, étaient achetées par des mages. Quand I-Beh prit définitivement la succession de Belmahr, il était âgé d’une quarantaine d’années, et l’usage du palantir pour effectuer des achats commençait à se répandre parmi les mages. Afin de ne pas perdre cette précieuse clientèle, il fit donc l’acquisition d’un de ces objets. Grâce au palantir, il pouvait montrer ses articles à ses clients, qui choisissaient leurs pierres à distance. Le paiement arrivait quand il arrivait [3], et les pierres repartaient par retour de coursier. La technique permettait au vendeur comme à l’acheteur d’éviter de se déplacer, mais I-Beh était bien conscient qu’elle était perfectible. Il devait y avoir moyen de hâter le paiement.

Notre marchand réussit à convaincre les siens qu’un stage de magie lui serait bien utile pour améliorer les profits de la mine. Il laissa la boutique à son jeune frère Hib-Hazzar et se rendit à Glargh, où les mages, à défaut d’être en odeur de sainteté, avaient fondé une école de magie réputée. Il suivit pendant plusieurs lunes tous les cours ouverts au public dans l’espoir de trouver une idée géniale. Mais celle-ci lui vint plutôt par hasard, lors des expériences qu’il faisait entre deux leçons pour mettre en pratique ce qu’il avait appris.

I-Beh avait de réelles dispositions pour la magie. Il en fut d’ailleurs le premier surpris, mais la preuve était là : en quasi-autodidacte, il avait mis en place un portail dimensionnel. Prudent, il le referma sans s’amuser à aller voir dans quel plan d’existence il était tombé. C’était pourtant le premier pas vers le sort qui allait le rendre célèbre. Il lui fallut quelques nuits blanches et beaucoup de parchemin raturé pour finaliser un système d’échange quasi-standard entre notre dimension et ce qui est aujourd’hui appelé "espace I". Le sort, lancé par une incantation d’une simplicité déroutante et ciblé sur un objet, exécute simultanément un transfert de celui-ci vers l’espace I et un rapatriement d’argent vers l’emplacement initial de l’objet.
C’est la fameuse transmutation d’I-Beh.
Quelque temps plus tard, I-Beh mit au point un sort qui avait l’effet inverse : lancé sur une somme d’argent, il remplaçait celle-ci par un ou plusieurs objets. C’est la transmutation d’I-Beh inversée.

Ces sorts pratiques et faciles à lancer sont aujourd’hui très largement utilisés pour vider des greniers ou pour faire des cadeaux quand on n’a pas d’idées. Ils ont néanmoins deux inconvénients majeurs :
- Les effets sont aléatoires. Dans un sens, on n’a aucune prise sur la somme d’argent qui va être reçue. Dans l’autre, on ne peut pas choisir ce qu’on va récupérer. Il semble de plus que l’environnement soit un facteur essentiel. Certains individus à fort potentiel chaotique peuvent rendre les résultats encore plus imprévisibles qu’en temps normal. Evitez ces gens comme la peste si vous voulez que votre sort donne quelque chose d’intéressant.
- Jusqu’à présent, personne n’a réussi à localiser l’espace I. On ignore totalement à quel plan et à quelle dimension il appartient. Mon père y a envoyé un ogre de maison, une fois, pour tester, mais d’une part, il n’a reçu lors de la transmutation que deux étranges piécettes de cuivre, et d’autre part, à ma connaissance, jamais aucune transmutation d’I-Beh inversée n’a ramené d’être vivant. Il s’agit peut-être d’un monde habité, dont nous perturbons la vie depuis des décennies.

Ayant mis au point ces deux sorts, I-Beh décida qu’il avait assez abusé de la confiance de son clan et qu’il pouvait aussi bien poursuivre ses recherches chez lui. Il rentra donc dans les monts de Gzor pour reprendre les rênes du commerce de pierres précieuses. Sa transmutation lui fut parfois fort utile pour obtenir quelque argent en échange d’un produit invendu depuis trop longtemps, mais son caractère aléatoire la rendait inapplicable dans des conditions de vrai commerce. I-Beh mena une double vie pendant des années : il vendait le jour pendant que ses frères creusaient, et cherchait la nuit pendant que ses frères buvaient.

Comme beaucoup de grands noms de l’histoire de la magie, il eut l’illumination au moment où il s’y attendait le moins. Alors qu’il tenait le plus simplement du monde son échoppe de minéraux à Mliuej, un client pas content lâcha des sangliers dans l’échoppe du voisin. Des passants se réfugièrent chez lui, et dans la bousculade, lui firent tomber trente kilos de quartz sur la tête. I-Beh, qui ne portait pas son casque lorsqu’il était en ville, fut rapatrié d’urgence à la mine. Il resta inconscient pendant plusieurs jours. Les siens en étaient à se demander s’il n’était pas perdu pour toujours lorsqu’il se réveilla comme si de rien n’était, cria "Or et quartz !" [4] et fit trois fois le tour de la mine en courant. Une fois calmé, il contacta son collègue marchand du clan Durandil, et lui fit savoir qu’il avait besoin d’un bon forgeron. Ce fut le jeune mais inventif Zepay.

I-Beh n’avoua jamais quel secret lui avait inspiré le coup de quartz. Il travailla avec Zepay dans la plus grande discrétion, au sein du laboratoire de la forge Durandil. Le système ne fut dévoilé qu’une fois parfaitement au point : un support pour palantir réalisé dans un alliage particulier, équipé d’un tiroir et d’un glyphe en quartz. Comme I-Beh Tortelame avait déjà laissé son nom à deux sorts, il décida cette fois de faire honneur au travail de Zepay Durandil. Le système, initialement baptisé ZepayPalantir, nous est aujourd’hui connu sous un nom amputé de sa première syllabe. Et rares sont les palantiri qui n’en sont pas équipés.

Tout le monde sait comment utiliser PayPalantir. Il suffit de se mettre en communication avec un autre palantir équipé du système, de glisser la somme convenue dans le tiroir et d’actionner le glyphe. La personne en face doit à son tour actionner son glyphe, et la même somme apparaît dans son tiroir. C’est simple et efficace.
Une analyse du signal effectuée grâce au miroir de Galahadrillette indique qu’une information sur le montant transite entre les deux palantiri. Mais personne ne sait exactement ce qui se passe dans le support PayPalantir. On suppose qu’I-Beh a trouvé un moyen de stabiliser l’échange avec l’espace I, où il envoie la somme dans un premier temps, avant de récupérer la même somme de l’autre côté.

Malheureusement, l’hypothèse est invérifiable, car I-Beh Tortelame disparut subitement peu de temps après la mise en service des premiers supports PayPalantir. On raconte qu’il s’envoya lui-même dans l’espace I pour savoir à quoi il ressemblait [5]. En tout cas, si Zepay est parfaitement capable de reproduire le glyphe, et a transmis sa technique à ses disciples, il n’a jamais su expliquer le fonctionnement exact de la chose. Ce qui nous prive du même coup de la possibilité d’inventer un moyen d’envoyer l’objet vendu par le même biais que les sous pour le payer. PayPalantir n’accepte que l’argent.

La solution la plus souvent retenue par les mages pressés est donc : paiement par PayPalantir, livraison par Chronotroll. C’est ce que fait Zangdar quand il achète des statuettes à prophétie pour son Donjon, mais au vu de sa propension à cramer les coursiers, un de ces jours, les TGV [6] refuseront de le livrer.

Nak’hua Thorp


[1Faible d’un point de vue nain, bien entendu. I-Beh était incapable de tenir le rythme des mineurs, composé chaque jour de quatorze heures de travail, une heure de pause déjeuner, six heures de fête et trois heures de sommeil. Ce qui ne l’empêchait pas d’être plus robuste qu’un humain.

[2Comme tous les clans, celui-ci tenait son nom de son fondateur, un contemporain de Durandil qui avait gagné son surnom parce qu’il n’était pas fichu de forger une lame droite. Viré de la forge à coups de pieds aux fesses, il s’était reconverti dans l’extraction de minéraux.

[3Chronotroll n’existait pas à l’époque. Son fondateur Debor Sakuti n’était même pas né.

[4Sur ce point, plusieurs écoles s’affrontent. Certains prétendent qu’il dit "Heure et quart !", d’autres qu’il s’écria "Eure-et-Loir !". Mais je penche pour la version à quartz.

[5Chose qu’il n’aurait jamais faite dans sa jeunesse, mais il faut reconnaître que depuis le coup de quartz, il n’était plus tout à fait le même nain.

[6Trolls qui Galopent Vite (ou Trolls aux Guêtres de Vent, ce n’est pas très clair), surnom donné aux coursiers de chez Chronotroll.