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GemmeTholsadûm

L’archimage maudit

vendredi 17 décembre 2004, par Nak’hua Thorp

Officiellement, les seules traces écrites qui restent de la vie de Tholsadûm sont quelques témoignages de faits historiques auxquels il a participé [1]. Cet archimage émérite, expert en métamorphose et magie du feu, plutôt doué en mentalisme et en invocation, a été radié de tous les registres des écoles de magie après sa mort, quand il fut établi qu’il avait travaillé pour Gzor. Heureusement, mon ancêtre Nahjamay Thorp, mage métamorphe de son état, avait pu recopier l’essentiel des données avant leur destruction. Grâce à lui, l’histoire de Tholsadûm n’a donc pas été rayée de la mémoire collective.

Il semble que Tholsadûm ne soit pas originaire de la Terre de Fangh, mais qu’il soit arrivé des lointaines terres d’Orient, caché dans la cale d’un navire marchand. Repéré juste avant l’arrivée, il ne dut son salut qu’à la résignation des marins : à quoi bon jeter par-dessus bord un passager clandestin au moment précis où l’on entre dans le port de Waldorg ? L’adolescent en fut donc quitte pour un bon coup de pied aux fesses et la confiscation de ses quelques biens.

A l’époque, la guerre contre les dieux du Chaos faisait rage, et Waldorg n’était encore qu’une bourgade sur les rives marécageuses de la Syé. Le jeune Tholsadûm quitta bien vite cette ville insalubre, pour aller frapper aux portes de la première école de magie qu’il trouva. Aussi surprenant que cela puisse paraître aujourd’hui, on accueillit l’étranger à bras ouverts. Un de ses maîtres s’en explique dans son journal intime, ouvert pour les besoins de l’enquête [2] :
"L’ambition affichée de ce garçon d’être à la tête d’un peuple qui saurait pourquoi il a peur du noir invite à la plus grande circonspection. Cependant, nous sommes en guerre, et face à la crise des vocations qui nous menace autant que les créatures du Chaos elles-mêmes, mieux vaut compter un tel élément dans nos rangs plutôt que dans les troupes adverses."

Rares sont les humains qui apprennent la magie avec suffisamment d’aisance pour atteindre le niveau 18 dans plusieurs domaines, ce qui donne le droit de prétendre au titre un peu surfait [3] d’archimage. Tholsadûm, lui, y parvint en à peine quinze ans, ce qui témoigne d’une facilité hors du commun. Il présenta pour sa soutenance d’archimage un prototype de robe enchantée qui conférait à son porteur une totale immunité au feu. Pour la peine, le jury fut lui aussi enchanté, et Tholsadûm fut nommé archimage avec les honneurs. Un de ses condisciples, présent sur les lieux, eut ce commentaire : "Ça prouve au moins que Dûm est un excellent mentaliste."

Le sens exact de cette remarque est encore mystérieux de nos jours.

Quand il se présenta sur le champ de bataille du Désert des Plaintes, au milieu d’un cercle d’hydres de feu qui réduisaient en cendres les rats géants, les ogres mutants, les zombies et les liches, l’archimage Tholsadûm avait assimilé tant de magie, accumulé tant de pouvoir, qu’il n’avait plus d’humain que le nom. C’était devenu un OGM [4]. Les Meuldors, qui faisaient à cette époque le siège du Tangorodrigue, ne s’y trompèrent pas. Ils décidèrent de le rattacher à la troupe du général Noh’wël, qui s’en allait combattre Gzor, afin de ne pas l’avoir dans les pattes.

La collaboration fut houleuse, car Noh’wël, pourtant connu pour ses opinions progressistes, se méfiait des OGM comme de la peste. Aussi, lorsque le siège de la forteresse de Gzor tourna mal et que Tholsadûm se retrouva pris au piège avec trois autres mages, le général n’eut-il aucun scrupule à battre en retraite en les laissant sur place. Un des mages fut tué lors de la bataille, les autres faits prisonniers, et on les tortura, plus pour la forme que pour leur extorquer des informations dont Gzor n’avait de toute façon rien à faire.

Ce n’est pas par la torture que l’ex-humain parvint à retourner l’autre ex-humain, mais en lui offrant un peuple crédule à dominer. Tholsadûm n’avait combattu le Chaos que pour s’occuper, sa seule ambition avait toujours été de régner sur des veaux. La petite centaine de fidèles de Slanoush ramollis du cerveau mais pas du reste lui convint donc parfaitement. Ayant accepté de venir en aide à Gzor dès que celui-ci le lui demanderait, il fut relâché discrètement.
Son retour parmi les hommes fut triomphal. Tholsadûm était un héros, qui avait su s’échapper de la sinistre forteresse de Gzor, en libérant par la même occasion une centaine d’esclaves encore sous le choc de leur servitude ! Du coup, nul ne s’offusqua de le voir fonder pour ces gens une ville dans les Terres Sauvages de Kwzprtt. Les ruines de cette ville se trouvent à une distance raisonnable de Glargh, mais il faut savoir où chercher, car le relief les rend difficiles à trouver.

En toute logique, les fidèles de Slanoush crurent et se multiplièrent. En l’espace de quarante ans, l’archimage Tholsadûm était vraiment à la tête d’un peuple, qu’il contrôlait corps et âme. Surtout âme, en fait. Au grand désespoir de nombreuses fidèles, il n’était pas aussi porté sur le corps que ses disciples. Ses passe-temps restaient très chastes : dans un premier temps, la création d’objets enchantés [5], puis, quand son peuple trop docile commença à le lasser, l’élevage de barbares. Cette dernière activité causa d’ailleurs sa perte.

Tholsadûm, qui commençait à avoir dans les quatre-vingts ans, mais qui se maintenait en forme grâce à la maîtrise de son métabolisme [6], prit l’habitude d’aller chercher un peu partout de jeunes barbares prometteurs, qu’il enlevait à leur famille, de préférence en massacrant tout le village, pour éviter que quelqu’un ne vienne chercher le petit. Il les soumettait ensuite à un entraînement des plus rigoureux pour en faire des champions. Sa noria améliorée, la Roue de Douleur, était son atout maître du côté physique, et du côté mental, il jouait de ses pouvoirs pour canaliser leur colère et leur révolte sur quelqu’un d’autre que lui. Evidemment, il y avait parfois des ratés. Les jeunes barbares trop agressifs furent empalés en place publique, pour l’exemple [7].

Alors que tout fonctionnait à merveille, Gzor le rappela. Tholsadûm dut laisser à contrecœur ses précieux barbares aux plus fidèles de ses lieutenants, tandis qu’il se rendait seul à la forteresse pour prendre connaissance de sa mission. L’Histoire le sait à présent, il s’agissait de l’opération de sabotage destinée à semer la zizanie entre les peuples de la Terre de Fangh. A la tête des espions de Gzor, Tholsadûm supervisa les fourberies et les escroqueries, avec le succès que l’on sait. Il se rendit même en personne au banquet de Mliuej pour provoquer une guerre entre les Elfes et les Nains. Son devoir accompli, il rentra chez lui, et découvrit l’ampleur du désastre.

Pendant son absence, ses fidèles avaient été un peu trop zélés. Il ne restait plus qu’un seul barbare sur la Roue de Douleur. Tholsadûm fut tenté de se consoler en se disant qu’au moins, il était plus fort que n’importe quel autre, mais il déchanta très vite. Le jeune homme n’avait pas grandi sous son contrôle. Il nourrissait une haine féroce contre lui. Sa soif de vengeance était telle que le pouvoir mentaliste de Tholsadûm ne prenait plus sur lui [8]. L’archimage tenta la menace, la flatterie, offrit ses plus belles fidèles au barbare, rien n’y fit. En désespoir de cause, Tholsadûm, qui ne pouvait pas se résoudre à tuer lui-même son plus beau spécimen, le fit abandonner dans le désert.

Grave erreur. Un jeune homme au passé douloureux abandonné dans le désert est toujours retrouvé par quelqu’un. C’est une loi narrative majeure. Le barbare fut donc libéré, réhydraté, armé. Au prix du courageux sacrifice de plusieurs compagnons, il parvint à trancher la tête de l’archimage, qui avait prévu bien des protections contre le feu au cours de sa longue vie, mais jamais rien contre les lames. Puis il s’éloigna dans le soleil couchant, au son des violons et des tambours. Nul ne sait ce qu’il devint, ne serait-ce que parce que les barbares de l’époque n’utilisaient pas d’écriture, et que ceux d’aujourd’hui ont oublié son histoire. Les fidèles de Tholsadûm quittèrent eux aussi ce qui restait de leur ville après les pillages. Leurs descendants vivent en nomades dans les Terres Sauvages de Kwzprtt, qu’ils s’efforcent de garder aussi sauvages que possible, s’opposant violemment à tout projet d’urbanisation [9].

Ce que le barbare ne sut sans doute jamais, c’est qu’outre la chute de Tholsadûm, il avait également causé sa disgrâce dans les mémoires. En effet, comme il était totalement analphabète, il s’abstint de détruire les archives de l’archimage, à part quelques feuillets manquants, dont on suppose qu’ils servirent de papier hygiénique. Dans les ruines de la ville désormais fantôme, on retrouva donc la quasi-intégralité de la correspondance entre Tholsadûm et Gzor. La sentence ne se fit pas attendre longtemps : ce sinistre filou ne devait pas laisser d’autre trace dans l’Histoire que celle de son infamie. Les générations futures ne devaient pas savoir qu’il avait été mage.

C’était, évidemment, sans compter sur mon ancêtre.
Un collègue à qui je racontais cette anecdote a fait remarquer tout haut : "Comme quoi les Thorp ont toujours été de sacrés fouteurs de merde."
Depuis, ce n’est pas moi qui utilise quinze sorts de Fragrance par jour pour masquer ma malédiction de pestilence. Vous me direz, on a les malédictions qu’on mérite.

Nak’hua Thorp


[1Comme le fameux concours de chant de Mliuej, voir le chapitre 3 de l’histoire des Elfes.

[2Le mage avait protégé ses petits secrets à l’aide d’un Claptor de Mazrok. Bilan : 2 morts et 3 grands brûlés.

[3Même si certains aiment bien surfer...

[4Occultiste Gravement Muté.

[5Encore de nos jours, de nombreux accessoires de protection contre le feu sont en circulation un peu partout. Zangdar a eu quelque temps la dernière robe de l’archimage Tholsadûm en sa possession, mais elle a disparu lors du cambriolage du magasin.

[6Cette aptitude très enviée est possible pour un métamorphe de très haut niveau, à condition de maîtriser aussi un poil de nécromancie. Officiellement, c’est très mal vu, mais officieusement, tout le monde y touche un peu, pas vrai, Cham ?

[7Le pal, recommandé par des éleveurs de champions.

[8D’aucuns trouvent une explication moins glorieuse à ce phénomène, qui tiendrait à la faible teneur en cerveau du barbare en question.

[9On les retrouve notamment enchaînés aux arbres sur le chantier de la future voie rapide entre Glargh et Waldorg, chantier qui, du coup, a avancé de deux cents mètres en huit ans.