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GemmeBraav’

Le Dieu des Paladins (d’alignement loyal-con)

jeudi 30 novembre 2006, par Cham von Schrapwitz

On trouve de tout sur la Terre de Fangh. Et même des gens de bien, gentils,et qui suivent les lois. D’ordinaire, on dit d’eux "ah ! Ils sont bien braves !" Avec un je ne sais quoi dans la voix de sarcastique, méprisant et blasé, qui s’accompagne toujours d’un index qui se visse sur une tempe. Ces gens sont les fidèles de Braav’, le seul dieu loyal-bon de la Terre de Fangh.

La semaine dernière, alors que j’observais avec une joie non feinte la combustion éclatante d’une douzaine d’orques sauvages du haut de la Tour de Blizdand [1], un type en armure étincelante surgit soudain de nulle part. L’individu, d’approximativement deux mètres douze, agitait au dessus de son heaume à panache rouge une épée à deux mains ridicule, passablement cheap d’apparence, et qui irradiait des rayons bleu et or. Il entreprit, en chantant des psaumes aussi pompeux que poseurs, d’attaquer les orques enflammés, en leur promettant mille morts pour leur fourberie vilaine, leur méchanceté, leurs anneaux dans le nez et leurs pieds sales.

Point de doute n’était possible, j’avais affaire à un Paladin du dieu Braav... Je décidait aussitôt d’écrire quelques lignes d’information à destination de mes étudiants, tout du moins à ceux d’entre eux, peu nombreux, qui savent lire autre chose que les SMS [2].

Les dieux « bons » sont plutôt rares sur la Terre de Fangh. Notons que les dieux « mauvais » le sont presque tout autant : à part les Dieux du Chaos et quelques dieux meurtriers et assassins, la plupart des divinités qui empoisonnent la vie des mortels ont un comportement qui n’est ni bon ni mauvais, bien au contraire. Sans parler de Crom, qui trouve tout ça trop compliqué.

Braav est un dieu bon... Jusqu’à l’excès dans ce que la naïveté benoîte et la gentillesse sordide peuvent avoir de pire à supporter ; surtout quand on les associe à une loyauté servile, et une honnêteté aussi scrupuleuse que stupide. Braav est le défenseur des lois, des dames de patronage, des sourires niais aux portes des temples, et des imbéciles qui aident les vieux à traverser la rue.

Naturellement, aucun dieu ne serait capable de développer ces caractéristiques de manière spontanée. Il faut rechercher la raison profonde de cet alignement incongru et malaisé à porter sur la Terre de Fangh dans l’origine du dieu Braav : son humanité.

On sait relativement peu de choses sur la question. Les vieux érudits persifleurs et sournois qui remplissent des grimoires de sornettes [3] ne sont pas plus au courant que vous de l’histoire vraie et authentique du dieu Braav. Alors foin de sornettes, tenons-nous en aux faits :

De ce qu’on sait, Braav’ était un humain du Premier Age, qui survécu à la Grande guerre contre le Chaos. On dit de lui dans ses textes sacrés (la Grande Litanie du Bisou Sucré et les Joyeux Psaumes de la Bonne Action Tralala) qu’il aidait toujours son prochain, ainsi que celui d’après d’ailleurs. Et celui d’encore après. Et même celui qui venait tout à la fin, en boitant.

Chevalier sans peur, il est censé avoir défait un catalogue de monstres passablement étoffé, allant du fameux Poulet Hurleur du Pont Maudit au Dragon Gnome Hermaphrodite en passant par les Douze Cadavres de la Liche Verte [4] et le terrifiant Troll Serpent Flagelleur Mental du Chaos (celui à trois rangées de dents en sabres).

Naturellement, comme tous les dieux, il prit soin de faire conter (compter ?) ses exploits par ses fidèles. D’où une très probable relative subjectivité des exploits en question qui, s’ils étaient pris au pied de la lettre, auraient du avoir pour conséquence l’extermination des 227 principales races de monstres de Fangh, et la délivrance de 12.724,33 princesses [5].

Braav, alors « simple » chevalier errant, aurait été divinisé vers la fin du Premier Age. Avant que vous ne me demandiez la marche à suivre pour concrétiser vos rêves de grandeur grosbillesque, je vous dit tout de suite que non, je ne sais pas comment. Les légendes parlent d’un puissant démon, d’une montagne sacrée, d’un seau de vomi d’huître, d’une clef à molette, d’un mage fou, de dix-huit nymphes et d’un groseillier magique, mais je n’ai pas tout compris. Le plus simple, à mon avis, est de rester d’humbles mortels. Et ce même si les archimages sont moins humbles que vous. Et moins mortels aussi...

Bref [6]. Braav fut divinisé, et peu importe le pourquoi du comment de la chose.

Modèle de chevalerie de son vivant (il en inventa le concept), il protégeait la veuve (après avoir tué son mari chef barbare) et l’orphelin (après avoir occis son père démoniste). Braav continua à servir de parangon bien après sa mort. Spontanément, des chevaliers au sourire éclatant et à l’armure chromée se réclamaient de son nom, et -entre chevaliers-, l’apostrophe "hola ! Mon Braav !", passait pour une marque de déférence entre gens du monde.

Tout aussi rapidement du reste, les gens du peuple se mirent à railler les chevaliers ainsi nommés. Comme les pauvres n’ont souvent que leur mauvais esprit pour lutter contre les épées et les lances de cavalerie, ils sont prompts au cynisme, qui seul permet de passer l’hiver sans se pendre avec la ficelle du dernier saucisson. « Bien Braav » devint donc synonyme de « con-con », ce qui a perduré jusqu’à nos jours.

Les nobles prirent l’habitude de se référer à Braav pour tout ce qui touche à la chevalerie et l’art militaire. « Braavoure » devint synonyme de courage, et le "a" superflu fut supprimé par quelques clercs soumis à Dlul...

-Interlude : vous baillez-

La force de l’habitude n’explique pas tout. Que les nobles se réclament de lui, inutiles chancres arrogants qui ponctionnent les paysans pour nourrir leurs chiens et troussent les meunières au lieu de se battre contre les démons, passe encore. Mais comment expliquer que Braav attire autant de Paladins, alors qu’à l’évidence, il s’agit d’une divinité ayant la saveur d’un navet bouilli et l’aura d’un guidon de vélo ?

Comme d’habitude, cherchez le Gros Bill...

Les Paladins, combattants voués à une divinité pour l’accomplissement de ses commandements par le port d’une grosse armure et l’usage d’armes bourrines, choisissent d’ordinaire leur patronage divin sur catalogue. Le catalogue des pouvoirs conférés par Braav à ses paladins explique en grande partie son engouement sans cesse renouvelé. Jugez plutôt :

- Aura de protection de 133cm contre les mort-vivants, les démons et les représentants de commerce.

- Guérison par apposition des pieds [7].

- Immunité aux sorts de confusion psychologique (le QI de Braav étant plus bas que celui d’une huître, il ne peut plus être descendu par un sort).

- Immunité aux sorts de nécromancie, des démons et des prestidigitateurs de moins d’un mètre vingt.

- Dissipation de la magie mauvaise une fois par jour.

- Zone de sanctuaire béni contre les gros mots et les gestes déplacés.

- Augmentation des capacités de combat contre les créatures mauvaises ou démoniaques et les méchants situés à la fin des niveaux dans les Donjons.

- Immunité aux tentatives de séduction par les dryades hermaphrodites anthropophages de Trav’loss [8].

- Abattement fiscal de 20% sur les trésors récupérés chez des mages mauvais ou nécromants.

- Déductibilité fiscale des remboursements liés à l’achat d’une épée Sainte Justicière ou de toute autre arme "+5".

Malheureusement pour les Paladins de Braav, la liste des limitations est très sévère. Or, elle n’est pas dans le catalogue, mais leur est remise après leur prestation de serment au Dieu :

- Interdiction de consommer des relations sexuelles avec quelque entité que ce soit.

- Interdiction de mentir.

- Interdiction de dire des gros mots.

- Interdiction de fuir si le rapport de force est de moins de 3 contre un [9].

- Interdiction d’uriner debout dans les toilettes publiques.

- Interdiction de paraître en public décoiffé, ou avec les dents sales.

- Interdiction de violer les lois.

- Interdiction de violer les meunières.

- Interdiction de violet et de mauve sur les vêtements.

- Obligation de commettre au moins trois bonnes actions par jour, y compris par la force.

- Obligation de rechercher (de bonne foi et avec de la bonne volonté) les monstres et les démons pour les moisir ad majorem braavi gloriam.

-  ...

La moindre entorse à ces limitations, et c’est la foudre divine assurée ! Braav, qui ignore de toute façon le concept d’humour, ne plaisante pas avec ceux qui violent ses commandements. On dit que, divinisé, il comprit l’imbécilité crasse de sa vie de fanatique, et entreprit de se venger avec sadisme et cruauté sur ceux qui voudraient suivre son chemin et s’en écarteraient. Mais ce sont des "on dit" bien sur...

Il y a d’autres limitations, mais je me suis déjà bien assez fâché avec le clergé de Braav pour aujourd’hui.

Si ces limitations ne vous découragent pas, à votre guise : Il y a des temples de Braav dans toutes les grandes villes, où des clercs chenus (la plupart de vieux Paladins) vous vantent monts et merveilles pour signer chez leur patron.
Et ce pour une raison principale : un Paladin ne peut renier Braav sans encourir les foudres divines que lorsqu’il a trouvé deux Paladins pour le remplacer. D’où une croissance potentiellement pyramidale du clergé de Braav, heureusement fortement limitée par les commandements obligeant le combat à 3 contre un ou moins...

Un dernier mot, tandis que je jette un coup d’œil par ma fenêtre sur un tas de métal fondu qui fut un de ces imbéciles de Paladins de Braav : la magie élémentaire (du feu ou autre) n’est PAS mauvaise. Elle est neutre. Donc, ces imbéciles n’ont aucune protection à attendre de leur dieu d’alignement loyal-b...con.

Cham von Schrapwitz, paladinde grillée aux marrons ce soir...


[1pour la petite histoire, ils avaient été engagés par un marchand de charbon de bois pour une sombre histoire de facture impayée... Ridicule !

[2Signes Médiévaux Synoptiques

[3oui, des serpents à sornettes en somme

[412 cadavres qu’il laissa pourrir aux quatre coins de la ville

[5je dis ",33" car il est question que Braav ait sauvé, un jour, une princesse Hobbit

[6Bref, dieu de la Concision, dont les textes saints se résument à « Yo ! »

[7les barbares qui font le choix du paladinat de Braav, outre qu’ils n’y comprennent rien, ne trouvent pas souvent de volontaire pour la guérison par pédopuncture

[8NdA : démon majeur de Lafoune

[9un paladin de Braav peut fuir face à 4 orques, mais pas face à UN Golbarg