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GemmeLes Issari, première partie

Leur vie, leur œuvre, leur barbe.

vendredi 2 mars 2007, par Nak’hua Thorp

Accoudée au comptoir près du mur en bambou, à profiter de la fraîcheur apportée par un enchantement qui faisait doucement circuler l’air sous le toit de palme, je regardais le ciel, la mer, le sable. C’est beau une plage la nuit, une fois qu’elle est débarrassée de tous ces clampins atrophiés du bulbe qui défigurent le paysage tant que le soleil n’est pas couché. C’est au moment de commander un nouveau verre que j’ai vu les chapeaux sur le mur. Du coup, j’ai passé la nuit à discuter avec le barman, ce qui m’a donné envie, le jour revenu, de coucher par écrit ce que je sais de la vie des Issari, ces mages de l’ancien temps entrés dans la légende un peu malgré eux.

Le point de départ de cette histoire remonte à l’exil des Meuldors après la guerre contre les Dieux du Chaos. Ces ancêtres issus du principe de la Loi, constatant que la terre de Fangh était à jamais marquée par le Chaos, repartirent dans leur terre natale à bord des quelques navires en état de faire le voyage qui restaient encore dans les ports du continent. La localisation exacte de cette terre est inconnue. Nos explorateurs n’ont jamais réussi à y poser un pied ou même un œil [1], ce qui fait dire à certains mystiques qu’elle a été retirée du monde et qu’on ne peut la trouver qu’en suivant la troisième étoile à droite après le soleil, et puis tout droit en direction du Levant. Enfin, passons.

Ce qui compte, c’est que les exilés, une fois rentrés chez eux, eurent une pensée pour les leurs qui étaient restés coincés sur la terre de Fangh. Ils plaidèrent donc leur cause auprès de leurs instances dirigeantes, non pas pour aller les chercher (faudrait pas déconner non plus), mais pour les protéger. Précisons que déjà, à cette époque, les Meuldors avaient adopté un système de gouvernement élu au suffrage universel, avec des mandats de quelques années. Ce qui est logique, si on y réfléchit un peu. La monarchie héréditaire chez des êtres quasi éternels, ça ne rime à rien. Mais ce système impliquait aussi l’existence d’une bureaucratie complexe qui freinait les réformes plus qu’elle ne les favorisait.

Les dirigeants finirent, au bout d’un siècle ou deux [2], par ouvrir un dossier afin d’envoyer discrètement des agents. Ceux-ci auraient pour mission de veiller à ce que le Chaos s’intègre harmonieusement dans le paysage au lieu de tout pervertir, et surtout, de garder un œil sur Gzor, qui était bien du genre à vouloir un jour refaire parler de lui. Une commission fut nommée, mais le dossier s’encroûta parmi d’autres paperasses, et n’avait guère avancé le jour où arriva la nouvelle d’une terrible attaque de Gzor sur les peuples elfiques.

Après des siècles et des siècles [3] d’étude préliminaire, l’équipe fut donc constituée à la va-vite, pour faire face à la guerre. Ces agents étaient les Issari, pluriel du terme meuldor Issar, qui signifie "gentil, mais qu’on aimera encore plus avec un océan de distance" [4].

Grumo fut nommé responsable d’équipe. Grand, les cheveux noirs, toujours vêtu de blanc, il avait l’allure qui allait bien et ne passait inaperçu nulle part. Il accepta immédiatement les responsabilités qui lui furent confiées.
Les deux responsables adjoints posèrent plus de problèmes. Alatavern le Bleu exigea (et obtint) de pouvoir emmener avec lui Malaudo, son meilleur ami, dont il n’avait pas le courage de se séparer pendant plusieurs siècles. Quant à Oléron le Gris, il commença par refuser de participer à la mission. S’il accepta finalement, ce fut à la demande expresse de sa marraine [5],la femme du Premier Ministre, qui avait le bras long et maîtrisait à fond les arcanes du Saint Pot-de-Vin.
Pour compléter l’équipe [6], on leur colla dans les pattes Aïoli, un garçon sympathique mais un peu couillon, qui passait sa vie dans les arbres à parler aux oiseaux. Censément parce qu’il était le plus en phase avec les elfes de Fangh, mais en fait, surtout parce qu’il était fils de ministre et qu’il faisait un peu honte à sa famille.

Le plus discrètement du monde, dans une rade où ne vivait personne, un navire déposa donc Grumo, Aïoli, Alatavern, Malaudo et Oléron, avant de repartir à fond les ballons pour ne pas être pris d’assaut par d’éventuels Meuldors de Fangh désireux de rentrer au pays.

A peine arrivés, les Issari eurent la surprise de constater que la guerre était déjà finie. Les troupes elfiques, associées aux humains d’Ilshidur, s’étaient fort bien passées de leur aide pour renvoyer Gzor dans sa forteresse. Cependant, le sombre tyran était durablement affaibli, mais toujours en vie. Il n’avait sans doute pas fini d’ourdir des complots pour soumettre la Terre de Fangh à son pouvoir. La mission des mages, si elle était repoussée, avait donc toujours un sens.

Chacun suivit son chemin pour contrer à sa manière les noirs desseins de Gzor. Ils étaient de la même trempe que les Meuldors : quand ils dissimulaient leur aura, rien de visible ne les distinguait des humains, et surtout pas les oreilles. Aussi leur véritable nature demeura-t-elle secrète pendant longtemps.

Grumo se construisit une tour dans les plaines du sud-ouest de la terre de Fangh, une région où les tours de magie ont de tous temps poussé comme des champignons. Ses cheveux blanchirent, son pouvoir grandit, et sous le nom de Starwoman, il régna sur le domaine d’Islagarde. Son grand exploit fut de mettre sur écoute le palantir de Gzor par un sort personnel plus fiable que le miroir de Galahadrillette [7]. L’espionner devint alors une obsession de tous les jours.
Oléron prit son bâton de pèlerin et arpenta sans relâche les chemins de la terre de Fangh, pour s’imprégner du Chaos ambiant. Son principal point de chute était les collines d’Altrouille, où il retournait quand il voulait se reposer. A force de vénérer Dlul dans les collines, pété comme un coing et abruti par l’herbe à fumer des hobbits, il gagna aux yeux du monde le nom de Glandalf le Sale.
Aïoli, ou plutôt Laradasse, comme on allait désormais l’appeler, s’empressa de devenir copain avec les oiseaux locaux. Il dormit dans les arbres, comata dans le bois de Glandorn, et contribua en douceur à l’harmonisation du Chaos dans la nature, sans plus se préoccuper de Gzor que de sa dernière paire de chaussettes.
Quant à Alatavern et Malaudo, ils disparurent des archives en même temps que de la vue de leurs trois camarades. L’espace d’un instant, ils furent au loin comme deux points bleu outremer, et puis ce fut fini. Nul ne sut jamais ce qu’ils étaient devenus. Certains avancèrent même l’hypothèse que Starwoman les avait éliminés à l’insu des deux autres.

J’achèverai mon exposé dans une missive ultérieure. A suivre...

Nak’hua Thorp


[1A l’exception notable de Saïlentil et Suelenewing, dit la légende. Mais ceci est une autre histoire.

[2Les lenteurs administratives atteignent des records quand on a l’immortalité devant soi.

[3Amen.

[4Sans rancune ?

[5Une femme par ailleurs fort célèbre. Tout le monde a entendu parler de la marraine d’Oléron.

[6Chacun sait qu’un bon escadron d’élite doit compter cinq membres, surtout si son leader est vêtu de rouge ; mais ça marche aussi s’il est en blanc.

[7Ce que peu de gens savent, c’est que le sort d’écoute fut élaboré avec l’aide d’Oléron, et que c’est là l’origine de son surnom "Mitherrandir".