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GemmeMalgar

Dieu des Amoureux

mardi 3 janvier 2006, par Nak’hua Thorp

On a tendance à idéaliser un peu les dieux, à croire que tout leur réussit sans effort, en oubliant que la puissance d’une divinité est en fait directement liée au nombre de ses fidèles. De là, notamment, l’extraordinaire puissance de Dlul, qui règne sur un domaine dont l’universalité est incontestable. Heureusement d’ailleurs que Dlul est trop fainéant pour faire de son pouvoir une puissance destructrice, nous ne serions plus là pour en parler.
Dès lors, il en va des dieux comme des marchands de yaourt : ils doivent être positionnés au micropoil pour attirer le chaland et s’assurer ainsi la prospérité. C’est ainsi que Malgar, né d’une belle et noble idée, mais qui surestimait sans doute un peu les gens, n’est et ne sera toujours qu’un dieu de seconde zone, que seule une fête annuelle empêche de tomber dans les limbes divines de l’oubli.

Un de mes étudiants a fait le test à la sortie de l’école de Valtordu : quand on demande aux enfants quelle divinité préside aux choses de l’amour, ils répondent tous "Lafoune". Ce qui est vrai, mais incomplet. La déesse Lafoune, comme évoqué dans l’article qui lui est consacré, aborde l’amour sous son angle le plus physique. Elle est liée au plaisir, à la procréation et aux acrobaties domestiques, ce qui fait d’elle le lieutenant de Slanoush le plus influent de la terre de Fangh. En l’absence de sa divinité tutélaire partie mettre le souk ailleurs, elle gère magistralement les affaires courantes. Seul Dlul dépasse en popularité le cortège de dieux de Slanoush, et encore est-ce parce qu’il leur vole une partie de leurs activités en bénissant les galipettes faites au lit.

Sans doute issu de l’influence des elfes, dont la vision de l’amour était à une époque peu compatible avec celle de Lafoune [1], Malgar est le dieu patron des amoureux. Il inspire des idéaux d’amour éternel avec des fleurs, des petits oiseaux et du vent dans les cheveux. Il règne sur les œillades rougissantes, les serments murmurés au bord de la rivière, les cadeaux sans importance et les petits bisous dans le cou. C’est très mignon, mais dérisoire. L’amour chaste ne dure qu’un temps et Lafoune finit toujours par prendre le dessus [2]. Ce qui contribue à faire de Malgar un dieu secondaire, rarement pris au sérieux.

Heureusement pour lui, il y a le Malgarday, la fête qui réchauffe les cœurs vers la fin de l’automne. Les célibataires en quête d’une âme-sœur se signalent ce jour-là par un chapeau rituel orné de tout un tas de colifichets porte-bonheur offerts par la famille et les amis. Plus c’est surchargé, mieux c’est, quitte à patauger jusqu’aux genoux dans le ridicule. Et le soir, des bals organisés un peu partout permettent à ces gens de tous âges de faire des rencontres. Malgar gagne alors de nombreux fidèles, qu’il cède en général à Lafoune dans les jours qui suivent, voire dès la fin de la soirée pour les plus rapides. Situation précaire s’il en est, mais il en est ainsi depuis... toujours ? Quoi qu’il en soit, Malgar illustre à merveille l’expression "vivre d’amour et d’eau fraîche".

La mythologie ne conte point ses exploits. Son nom n’est mentionné ni dans l’histoire de Bernard et Lucienne, ni dans celle de Belgamël et Na’Kuneboë, deux grands classiques des légendes amoureuses. Il est en revanche souvent cité dans les poèmes d’amour improvisés par les soupirants à la fenêtre de leur belle. Certains confient même que quand ils sont mauvais, Malgar lui-même leur met un coup de poing sur le crâne pour leur apprendre à vivre. A moins que ce ne soit la belle qui leur balance un pot de fleurs pour les faire taire. Peut-être poussée par la main du dieu. Malgar n’étant pas Lafoune, ses voies sont impénétrables.

N’étant pas un dieu important, il ne fait pas l’objet d’un culte organisé et n’a pas de clergé dédié. On trouve cependant dans les grandes villes quelques statues de Malgar, sous les traits d’un jeune homme nu aux traits d’inspiration elfique. Parfois ceux qui ont trouvé l’amour un soir de Malgarday déposent à ses pieds leurs chapeaux à gris-gris en guise de remerciement [3].

N’allez pas le répéter, mais je l’aime bien, en fait.

Nak’hua Thorp


[1Certains clans d’elfes se sont particulièrement bien rattrapés depuis, pour le plus grand plaisir de pas mal de monde, à commencer par eux-mêmes.

[2Cela est juste et bon, puisqu’en général, elle préfère être dessus.

[3Bien que les mauvaises langues affirment que c’est surtout parce qu’ils en ont trop honte pour les garder chez eux.